Derrière les vitrines de Detroit
Derrière le luxe du salon de l'automobile de Detroit, un article sur la réalité de Détroit toujours frappé par la crise. Le droit à un logement décent et à l'accès à l'eau ne sont même pas respectés. La traduction d'un article de Dianne Feeley, ouvrière retraitée de l'automobile aux Etats-Unis et militante de "Solidarity".
Malgré les discours euphoriques sur la sortie de la faillite de Detroit, sont toujours là le manque d'emplois, une pauvreté profonde, et une diminution de 28% des recettes de l'Etat au cours de la dernière décennie.
Si une statistique pourrait résumer le problème, le revenu familial médian Detroit est de 19 800 dollars alors que la moyenne nationale s'élève à 60 700 dollars. Comment une telle inégalité peut exister ? Comment le taux de mortalité infantile de la ville peut être si élevé ? Pendant la période 2008-2011, il s'est établi à 58,7 par 100 000 naissances - plus élevé qu'en Libye, Uruguay ou au Vietnam, et trois fois plus que la moyenne américaine.
Nous connaissons la réponse : Detroit est à 83% afro-américaine, avec un taux de pauvreté supérieur de 40% à la moyenne nationale et un taux de chômage officiellement du double de celui de l'Etat. Detroit est une ville marquée par le racisme.
Avec la mise en faillite de la ville, 7,8 milliards de dollars ont été économisés en réduisant les pensions de retraites et les prestations de soins de santé. Pour les travailleurs ce fut un désastre. Les retraités de la police et du service des pompiers, qui ne perçoivent ni de sécurité sociale ni assurance-maladie, ont vu leurs pensions baisser de 18 % et tous les autres retraités ont vu leurs pensions baisser d'au moins 13%.
Pour la couverture santé des retraités, la ville a versé 4,3 milliards de dollars aux groupes financiers partie prenante du VEBA. En retour, ils versent un misérable montant de 125 dollars par mois aux retraités pour qu'ils puissent acheter l'assurance santé individuelle instituée par « l'Obama care » Et les retraités des pompiers et de la police vont recevoir 400 dollars.
Le rapport de faillite propose de supprimer 7 milliards de dollars de prestations des retraités et de récupérer 3 milliard de dollars par la restructuration de la dette contractée auprès des créanciers de WallStreet. Alors qu'ils touchent des intérêts de 13 %, il n'y jamais eu d'enquête sérieuse sur les offres de crédits. Il est clair que le fardeau de l'élimination de la dette a été mise sur le dos des retraités qui pensaient avoir un avenir sûr.
En 2005, lorsque le maire Kwame Kilpatrick a emprunté 1,4 milliard de dollars à UBS pour couvrir le versement de pensions, 46,4 millions de dollars ont été facturés à titre de frais. L'année suivante, UBS a vendu à la ville 948,5 millions de dollars en obligations et 61,8 millions de dollars ont été facturés sur la transaction. Pour son travail, en 2005 Wall Street a récompensé Kilpatrick avec le titre nde meilleur emprunteur de l'année.
L'euphorie qui se développe sur le « come back » de Detroit tient à l'embourgeoisement ( la gentrification) des zones du centre-ville, alors que de nombreux quartiers sont confrontés à une nouvelle vague de saisies d'impôt en augmentation de 34% par rapport l'année précédente. Sur les 230 000 logements acquis en propriété de Detroit, 62 000 ont dû être vendus aux enchères , y compris 37 000 occupés. Avec en moyenne 2,74 habitants par logement, cela signifie un déplacement de 100 000 personnes dans une ville de 688 000.
Les prix des maisons de Detroit ont chuté de manière significative, mais aucune réévaluation a été réalisée. Au lieu de décider d'un moratoire, en l'attente de nouvelles évaluations et d'un ajustement des impôts, la ville annonce le recouvrement de tous les impôts dus depuis trois ans
Mais les factures sont trop élevées et les gens trop pauvres pour les payer. Sans un programme d'emplois, et avec des les prestations de retraites réduites, les habitants vont disposer de moins en moins de ressources.
Avec les coupures d'eau décrétées à la fin du mois d'octobre 2014, plus de 13 000 logements étaient sans eau - environ 30 000 personnes. Pourtant le maire Mike Duggan a ignoré la recommandation de représentants de l'ONU appelant à rendre la vie décente à Détroit. Pendant ce temps, les appartements du centre ville mis en location voient leur toiture s'effondrer avec touts les conséquences qui en découlent pour les personnes âgées et handicapées.
Vous pensez que l'eau et le logement sont des droits humains? Pour les banques, c'est une bonne blague
Dianne Feeley
Traduction JCV
Lire l'article sur le site de Solidarity
Lire l'article sur le site Europe Solidaire sans frontière