Renault : bataille sur un champ d'actions
Après l'augmentation de la participation de l'État au capital de Renault passant de de 15 à 20 %, Carlo Ghosn le PDG de Renault et Nissan se rebiffe. Il s'oppose à l'application de la loi permettant aux actionnaires présents dans une société depuis plus de deux ans de bénéficier d'un droit de vote double. Pour Renault, cela doublerait les droits de vote de l'État français.
Ce différend devenu public devrait être tranché lors d'une assemblée générale des actionnaires convoquée pour le 30 avril. Pour y faire barrage à la volonté de Ghosn, le ministre banquier Macron a acheté provisoirement pour un milliard d'actions Renault, emprunté pour quelques mois sur les marchés financiers. Mais à rusé, rusé et demi : le film n'est pas achevé et Ghosn dispose encore de quelques possibilités de manœuvres.
La mondialisation hors sol de Renault
L'opposition de Ghosn s'inscrit dans une bataille plus ou moins ouverte, mais persévérante, pour s'autonomiser par rapport à la base historique « nationale » de Renault. L'alliance Renault Nissan, aujourd'hui au quatrième rang mondial des entités producteurs d'automobile, est en fait dirigée par une structure de droit néerlandais Renault-Nissan BV (RNBV) qui ne rend aucun compte public. Alors que Nissan et Renault continuent d'être des groupes distincts en terme juridique et financier, la politique de Ghosn est de rendre en pratique cette alliance irréversible contournant les réticences des gouvernements français successifs à une fusion complète entre Renault et Nissan. Déjà en avril 2010, le gouvernement Sarko avait bloqué une tentative de Ghosn en ce sens.
Pour les dirigeants de l'industrie automobile mondialisée, les États ne sont utiles que pour socialiser les pertes à l'exemple des renflouements de General Motors, Chrysler ou PSA. Ghosn exacerbe cette tendance, instrumentalisant ses fonctions de ¨PDG de Renault et de Nissan pour s'autonomiser par rapport à ceux qui l'ont fait « roi », à savoir les gouvernements français qui l'avaient adoubé à ce poste. Sans oublier les 15 millions d'euros annuels attachés au double « mi temps ».
Gouvernements de droite et de gauche accompagnent Ghosn depuis dix ans
Tous les gouvernements de droite comme de gauche ont entériné la politique mise en œuvre chez Renault. En 10 ans, les effectifs ont chuté en France de 42 000 à 27 000. Lorsque Renault a pris en 1999 le contrôle de Nissan menacé de faillite, les chiffres de production des deux entités étaient équivalents, autour de 2 400 000 voitures. Quinze ans après, surtout en conséquence de son implantation en croissance en Chine et aux États-Unis, Nissan produit au plan mondial deux fois plus de voitures que Renault, 5 300 000 contre 2 700 000. Cette activité de Nissan profite aux comptes de Renault, celui-ci ayant reçu en 2014 un milliard et demi d'euros de dividendes au titre des 40 % d'actions Nissan qu'il détient. Dans le bénéfice affiché par Renault en 2014 de 2 milliards d'euros, les trois quarts proviennent donc de Nissan. Les actionnaires de Renault en profitent directement. Pas les salariés dont les salaires sont bloqués et les effectifs toujours en baisse.
Le ministre actionnaire Macron
Tout en menant son offensive boursière explicite contre le PDG de Renault, Macron a expliqué à son propos « Sa stratégie, nous la soutenons, nous sommes à ses côtés ». Ce faisant, Macron circonscrit sa dispute bien réelle avec Ghosn à des enjeux de pouvoir dans une « communauté de vue stratégique ». Le ministre banquier Macron fait de l'État un simple actionnaire intervenant sur les mêmes terrains que tous les spéculateurs du marché avec les mêmes armes et la même boussole du profit. C'est exactement le contraire d'une socialisation des outils de production qui rendrait le pouvoir à ceux qui créent les richesses dans le but de satisfaire les besoins sociaux du plus grand nombre.
Article à publier dans l'Anticapitaliste 30 avril 2015
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