Renault : Macron et Ghosn à la manœuvre
Le gouvernement a annoncé mercredi 8 avril 2015 qu’il augmentait sa participation au capital de Renault, la faisant passer à 20 %, alors que l'État français a depuis 25 ans progressivement privatisé l'ancienne Régie Nationale des Usines Renault. Avant cette opération, 15 % du capital de Renault était encore public, suite aux ventes d'actions pratiquées par les gouvernements de droite et de « gauche ». Les deux représentants du gouvernement français qui restent au conseil d'administration de Renault ont toujours accepté les dizaines de milliers de suppressions d'emploi décidées par Ghosn. Ceux nommés par Montebourg s'étaient autant couchés que ceux nommés par les ministres de Sarkozy. Dans une déclaration publique, Macron a mis les points sur les i : "Carlos Ghosn a la pleine confianc du gouvernement..Sa stratégie, nous la soutenons, nous sommes à ses côtés".
L'opération montée par le ministre de l'économie Emmanuel Macron vise à préserver une minorité de blocage pour l'Etat français au sein du conseil d'administration de Renault. En effet, une nouvelle loi de 2014 double le droit de vote des actionnaires les plus anciens, dans les entreprises qui accepteront ce dispositif. Cette loi, qui n'a rien de progressiste, favorise par exemple un capitaliste comme Bolloré et ceux qui craignent des OPA hostiles. Chez Renault cela doublerait les droits de de vote de l'état, l'actionnaire le plus ancien de Renault. Mais Ghosn n'accepte pas cette disposition qui bride son autonomie. L'opération de Macron vise donc à obtenir une majorité à l'assemblée générale des actionnaires d'avril contre l'avis de Ghosn.
Le social libéralisme et les politiques des gouvernements bourgeois ne s'identifient pas nécessairement au choix de chacune des entreprises capitalistes en situation de concurrence les unes par rapport aux autres.
Ghosn est devenu l'un des patrons stars de l'industrie automobile mondialisée. Le 1er juin 2010 , il donnait une interview au Financial Times : « Avec une proportion croissante de son chiffre d'affaires provenant des marchés hors d'Europe occidentale, Renault n'est plus un constructeur automobile français ». En avril 2010, l'hebdomadaire économique Challenges expliquait que le patron de Renault avait imaginé « une façon de récupérer les droits de vote que Nissan détient dans Renault, ce qui lui aurait permis d'organiser, ensuite, la fusion des 2 entreprises dans une nouvelle société. Dont il aurait installé le siège social... aux Pays-Bas! ». Et ce fut le gouvernement Sarko qui bloqua la tentative.
Aujourd'hui Carlos Ghosn continue à vouloir s'affranchir de toute contrainte nationale. Il est vrai que le même conseil d'administration d'avril de Renault devrait repousser les limites d'âge pour le PDG et intégrer une personnalité surtout connue pour son carnet d'adresses, madame Blair, l'épouse de l'ancien premier ministre anglais.
Renault est déjà bien engagé dans la voie de la mondialisation « hors sol ». L'alliance Renault Nissan est en fait dirigée par une structure de droit néerlandais Renault-Nissan BV (RNBV) qui ne rend aucun compte public. Mais la direction de Renault en veut toujours plus. Pour les dirigeants de l'industrie automobile mondialisée, les états ne sont utiles que pour socialiser les pertes à l'exemple des renflouements de General Motors, Chrysler ou PSA, et financer les infrastructures - routes ou bornes d'alimentation des voitures électriques.
Dans le secteur automobile, le gouvernement français, peut avoir des intérêts tactiques différents de chacun des deux concurrents dont il est devenu actionnaire, Renault et PSA. Dans le champ de batailles entre actionnaires, Macron utilise les outils de l’ingénierie financière sophistiquée pour monter son opération. Le milliard d'euros mobilisé sera remboursé dans quelques mois, le tout étant gagé auprès d'institutions financières. La fin du film n'est pas encore connue car Ghson et le gouvnement m leurs positions avec l'assemblée des actionnaires du groupe qui se réunir le 30 avril. Mais il montre aussi que les pouvoirs dont disposent encore les autorités politiques sont exclusivement mises au service de grandes manœuvres financières sans prise en compte des intérêts des salariés et des besoins de la population.