Les ravages de l'automobile en Chine
Le site "Europe Solidaire sans frontières" publie l'article : "Apocalypse écologique dans la Chine capitaliste d’Etat – Boom et Destruction". Dans cet article consultable dans son intégralité en ligne, voici la partie de l'article consacrée à "l'automobilisation" de la Chine.
Lorsque la Chine a lancé, au début des années 1980, son processus de « réforme et d’ouverture », la combinaison chinoise de main-d’œuvre à très bon marché avec presque aucune restriction en matière environnementale, attira un grand nombre des industries mondiales parmi les plus salissantes et insoutenables.
Les masses de travailleurs migrants de Chine constituaient un aimant pour les industries de transformation et d’assemblage les plus grandes consommatrices de main-d’œuvre du monde. Ils travaillent de huit à 16 heures par jour, souvent sept jours par semaine, pour un salaire moyen de 0,57 dollar par heure en 2002. Soit, selon ce que l’on peut estimer, moins de ce que gagnait un opérateur de machine à tisser au début de la Révolution industrielle en Angleterre.
Jusqu’en 1979, la Chine produisait environ 160’000 véhicules à moteur par année, les bus et les camions comptant pour 90% du total. Les gens se déplaçaient en vélo, en bus et en train. En 1990, la Chine comptait juste 5,5 millions de voitures, de camions et de bus sur les routes. A partir de 2013, la Chine est devenue le plus grand assembleur d’automobile du monde, lançait 18,7 millions de voitures et de véhicules légers, plus du double de ce que les Etats-Unis ont produit cette même année. A partir de 2013, la Chine avait 240 millions de voitures sur ses routes, presqu’autant qu’aux Etats-Unis et on estime qu’il y aura entre 390 et 532 millions de voitures en Chine en 2050.
« L’automobilisation » de la Chine a provoqué trois changements profonds. Le premier : elle a ralenti de manière extraordinaire le temps nécessaire pour se rendre dans n’importe quel point des villes embouteillées (la vitesse moyenne sur les routes faisant le tour de Pékin est de 14,5 km/h) et créé des embouteillages épiques, battant des records historiques mondiaux, sur les autoroutes qui desservent Pékin et d’autres villes. En 2010, un embouteillage près de Pékin s’étendit sur plus de 100 kilomètres et dura deux semaines. Le deuxième : elle a engendré une nouvelle et dense couche de smog au-dessus des couches déjà épaisses de smog provoquées par la combustion de charbon étouffant les villes chinoises. Et, le troisième : elle a pavé des terres agricoles et humides indispensables ainsi que gaspillé d’énormes ressources que ni la Chine, ni le monde, ne peut se permettre. Cela n’aurait pas dû se produire.
Dans les années 1990, le Parti communiste a promu la production d’automobiles en entreprise conjointe comme étant une industrie « pilier » pour deux raisons : tout d’abord, une fois que le gouvernement s’était embarqué dans sa stratégie de réforme du marché, abandonnant l’emploi à vie, il avait besoin d’encourager la croissance afin de créer des emplois privés et dans les entreprises d’Etat, à l’instar des gouvernements capitalistes partout ailleurs. Li Keqiang, le premier ministre, soulignait, en novembre 2013, que :« L’emploi est la chose la plus importante pour le bien-être. Le gouvernement ne doit pas se relâcher un seul moment sur cette question […] Pour nous, une croissance stable a principalement comme enjeu le maintien des emplois. »
La fabrication d’automobiles et les industries apparentées comptent désormais en Chine pour un emploi urbain sur huit, à l’exclusion de la construction des routes, un autre secteur employant une main-d’œuvre importante.
Ensuite, le Parti communiste de Chine (PCC) a promu la mode de la voiture afin d’encourager le soutien politique d’une classe moyenne à la recherche d’un statut. Dans les années 1980, le PCC soutenait une consommation modeste. Mais après le soulèvement de Tiananmen, au printemps 1989, le gouvernement opta pour un consumérisme étendu afin d’apaiser les classes moyennes. De là provient la mode de l’auto, suivie par la mode des vols de ligne, celle des shoppings mall, celle des trains à grande vitesse, le tourisme étranger, etc. Ce n’est pas peu ironique qu’alors que le PCC, dans les années 1990, accélérait la production d’automobiles et interdisait les vélos sur les routes publiques, les pays européens se dirigeaient dans l’autre direction : interdisant les véhicules dans de nombreuses rues centrales, promouvant l’utilisation du vélo et l’autopartage ainsi qu’augmentant les transports publics. La Chine ne commença sérieusement à étendre ses métros urbains qu’à la fin des années 2000, après que deux décennies « d’automobilisation » embouteillèrent ses villes et augmentèrent dramatiquement la pollution de l’air.