L'automobile n'en a pas fini avec la pollution
Pour Information et débat
Il n'y a pas que le diesel. Il y a un an, l'éclatement du scandale des moteurs diesel montrait comment, au delà du groupe Volkswagen, toute l'industrie automobile européenne dépassait les normes de pollution qu'elle était censée devoir appliquer et cela avec la complicité de la Commission européenne et des différentes administrations nationales. L'ONG « Transport et environnement » a été à l'initiative de la divulgation de nombreux résultats qui n'ont jamais été contestés. On sait maintenant que les tests officiels en « laboratoire » ne reproduisent pas les conditions réelles de circulation.
La même ONG, Transport et Environnement, lance dans un rapport publié au mois d'octobre, une nouvelle alerte (1). Les nouveaux moteurs essence à injection directe, qui équipent 40 % des voitures essence produites en Europe, émettent dix fois plus de particules fines que les moteurs diesel les plus récents, tous équipés de filtres à particules. La taille de ces particules peut être encore plus petite qu’un virus ou qu’une molécule. Le risque sanitaire est important. Ces particules peuvent transporter dans les organismes humains, dans le sang ou les alvéoles pulmonaires, des métaux toxiques et des hydrocarbonés.
L'ONG affirme qu'un filtre permettrait – non pas d'éliminer complètement – mais de réduire considérablement ces émissions qui seraient ainsi 100 fois en dessous des normes officielles actuelles. Son coût de fabrication serait, selon cette ONG, compris entre 25 et 50 euros. Par rapport aux affirmations de cette ONG, on peut préciser qu'en Europe seul Mercedes équipe aujourd'hui ses gros moteurs essence de filtres à particules, tous les autres constructeurs étant encore au stade de la recherche des solutions les plus rentables pour leurs bénéfices. Il est donc vendu, en toute connaissance de ces faits, des voitures essence qui émettent plus de particules que les moteurs diesel récents.
La façon dont les constructeurs automobiles rusent avec les « normes » est de notoriété publique depuis l'éclatement du scandale du diesel. Mais ce normes elles-mêmes sont le résultat de négociations secrètes entre pouvoirs publics et industriels. C'est un mélange entre capacité des firmes automobiles à les intégrer tout en préservant leur rentabilité financière, construction de barrières protectionnistes privilégiant dans un marché concurrentiel certaines marques par rapport à d'autres, et...de façon très accessoire le prise en compte d'impératifs de santé publique. C'est pourquoi ces normes ne cessent d'être modifiées au gré des variations de rapport de forces
S'organise aujourd'hui, à propos des émissions de particules des moteurs essence, un nouveau grand marchandage entre Commission Européenne, États membres et constructeurs automobile. Selon Transport et Environnement, les constructeurs automobiles réclament une tolérance de 300 %. entre les mesures de laboratoire et les conditions réelles de circulation alors que la Commission européenne propose un écart de seulement 50 %.
Diesel ou essence : ne nous laissons pas enfermer dans ce débat sur la moins pire de ces techniques de motorisation. Et on pourrait l'élargir à la voiture électrique qui utilise une énergie produite majoritairement dans des centrales nucléaires ou à charbon. Ce qui est en cause ce sont bien les émissions de particules, ainsi que d'oxydes de carbone et d'azote générées par les véhicules à moteur.
Comme « l'ouverture des livres de compte », la levée du secret industriel est aujourd'hui une revendication pour que salariés et populations soient à même de mesurer et d'anticiper les dégâts qu'entraîne cette production soumise aux impératifs de la concurrence et de la rentabilité exigée par les actionnaires. Ceux qui massacrent l'emploi sont ceux qui décident de productions condamnées par les résistances croissantes partout dans le monde à cet enfumage. Et ils veulent faire supporter aux salariés les conséquences de leurs errements.
Les lanceurs d'alerte tels Transport et Environnement apportent des informations utiles. Ce que nous montre cet épisode c'est bien la capacité des firmes automobiles à savoir renouveler leurs potentiels de nuisance pour préserver leur rentabilité. C'est pourquoi on ne changera pas pour de bon cette situation sans remettre en cause la domination du capital à toutes les étapes de la production et de la vente des voitures.
(1) Le rapport complet de Transport et Environnement est disponible en anglais à l'adresse suivante :
https://www.transportenvironment.org/press/governments-and-carmakers-paving-way-%E2%80%98petrolgate%E2%80%99-scandal-leaked-documents-reveal