Ford : Crise ou pas, ce sont les travailleurs qui payent !
Article publié dans l'hebdo L'anticapitaliste
Depuis quelques semaines, c’est un peu comme si c’était à nouveau la crise au sein de la multinationale Ford...
En peu de temps, les informations alarmistes se sont succédées : baisse des ventes de véhicules en Amérique, diminution du cours des actions en bourse, actionnaires mécontents du niveau de leurs dividendes, rumeur d’un plan de 20 000 suppressions d’emplois dans le monde (soit 10 % des effectifs), annonce de 1 400 suppressions d’emplois quelques jours plus tard (en Asie et en Amérique)... Et pour finir cette série noire, le numéro 1 de Ford, M. Fields, est limogé pour cause de résultat insatisfaisants qui seraient liés à des mauvais choix stratégiques.
Bizarre... car jusqu’à présent, tout semblait aller pour le mieux dans le monde de Ford. Les profits étaient et sont toujours non seulement au rendez-vous, mais sont même historiques ! Encore 10 milliards de dollars l’année dernière, avec en bonus le retour des profits pour Ford Europe qui a passé plusieurs années successives en déficit. Accompagnant logiquement les profits, des dividendes record ont bel et bien été distribués aux actionnaires, soit une quinzaine de milliards de dollars sur 5 ans, ce qui est très bien pour des gens qui ne participent pas vraiment à la production des richesses (voitures). En plus de cette situation financière d’un bon niveau, les ambitions de la multinationale sont en hausse, avec des nouveaux modèles en projets, des objectifs de parts de marché en hausse, une autosatisfaction éblouissante dans la presse interne...
À côté de ces discours euphoriques, la boulimie de rentabilité n’a jamais cessé. Nous, salariéEs, avons toujours subi la même propagande concernant les nécessaires réductions des coûts. Les patrons nous parlent sans cesse de compétitivité, d’instabilité des marchés, de concurrence acharnée, et en permanence, ils nous font ressentir que tout est précaire. Du coup, chantage, nous sommes sans cesse sous la menace de perdre un jour nos emplois. C’est le cas de l’usine de Blanquefort (33) qui se trouve depuis plusieurs années en situation de précarité. L’avenir n’y est jamais serin.
Fin programmée ?
Les dirigeants de Ford restent très silencieux sur leurs intentions. Nous n’avons plus d’activité garantie au-delà de la fin de 2018 début 2019. Ford nous refait le coup pas de la panne mais presque... Officiellement, ils cherchent un produit de substitution, une nouvelle transmission. Mais aucun engagement, aucune preuve non plus qu’ils cherchent vraiment. Au contraire, nous avons tous les indices montrant qu’ils nous préparent à une fin progressive de l’activité, en douceur, avec un effectif vieillissant et de moins en moins nombreux. En effet, ce sont de 40 à 50 collègues qui partent en retraite chaque année sans être remplacés. Car les plans de suppressions d’emplois ne cessent jamais en réalité, c’est en continu : ainsi 500 emplois ont disparu ces 7 dernières années !
Cette diminution lente mais certaine d’activité et de personnel crée une ambiance morose. Les collègues, dans l’ensemble résignés, se démotivent et croient de moins en moins en une issue positive. Par son mutisme, par ses manœuvres, la direction de Ford prépare les esprits à une fin programmée. Il y a quand même une équipe de militantEs, un noyau de salariéEs qui résistent encore, qui dénoncent la politique de Ford et l’attentisme des pouvoirs publics. On ne désespère pas. Nous avons bien réussi plusieurs grosses actions en début d’année qui montrent que nous n’avons pas dit notre dernier mot et que les collègues à un moment donné peuvent avoir la force de défendre leur avenir.
C’est bien ce qui est en discussion aujourd’hui, à savoir relancer la mobilisation, en préparant à nouveau une action pour juin, montrer qu’il faut compter sur nous, que nous n’acceptons pas la fin de l’usine, qu’il est encore possible de pousser Ford à maintenir l’activité et les emplois. En attendant, la CGT-Ford est allée soutenir, à La Souterraine et à Poitiers, les salariéEs de GM&S qui se battent aussi pour leurs emplois. Car la perspective se situe surtout dans les liens de solidarité entre salariéEs et population, dans la convergence des luttes et dans le « tous ensemble ».
Philippe Poutou