Les Etats-Unis, l'industrie automobile et Trump

Publié le par NPA Auto Critique. Traduction d'un article de Solidarity Etats Unis

Qui a besoin de normes et de contrôle ?

Un article publié aux Etats-Unis sur le site de Solidarity :
http://www.solidarity-us.org/site/node/4970 par Diane Feeley.

Entouré par les PDG et des travailleurs de l'automobile réunis pour l'événement, Donald Trump a clairement indiqué lors de sa réunion tenue le 14 mars 2017 dans la région de Detroit qu'il allait se débarrasser de la réglementation fédérale afin de libérer l'industrie pour qu'elle puisse « fabriquer des milliers et des milliers et des milliers de voitures supplémentaires ». Pour lui : « Si des normes menacent les emplois automobiles, alors elles doivent être changées »
Trump considère que les réglementations et les normes visant à limiter la consommation des automobiles sont des contraintes pour les constructeurs automobiles et augmentent les coûts pour les acheteurs potentiels. Dans le vocabulaire de Trump, les règles sont TOUTES mauvaises. Trump parle comme si les règlements étaient conçus par des bureaucrates fédéraux pour se donner un plus grand pouvoir sur les entreprises et les consommateurs. Cette vision réécrit l'histoire des règles de santé et de sécurité à l'envers !
Nous avons tous entendu parler de la contamination alimentaire dans la préparation et l'emballage. Chaque année, nous apprenons que des produits doivent être rappelés par leurs fabricants car ils ont entraîné des décès et des blessures - que ce soit des interrupteurs d'allumage GM ou des berceaux. Ce sont des cas où les entreprises n'ont pas respecté les règlements établis. Enlevez les inspecteurs afin que les règlements ne soient pas appliqués, ou réduisez les règlements et nous nous mettons sciemment en danger ! Pourquoi les entreprises devraient-elles autorisées à vendre des produits qui ne sont pas sécurisés, quel qu'en soit le coût?

La diminution de la consommation en énergie fossile des automobiles
Datant à l'origine de l'embargo pétrolier des pays du Moyen-Orient en 1975, la législation sur l'efficacité énergétique est devenue plus tard un mécanisme pour diminuer les émissions de CO2 provoquées par l'homme. Les règlements sur l'économie moyenne de carburant moyenne – le CAFE - sont basés sur le gallon de carburant consommé par mile. Les normes n'ont pas augmenté pendant 20 ans. Comme les prix du pétrole ont diminué, les constructeurs automobiles ont construit des véhicules plus importants qui ont doublé leur puissance moyenne.
Lorsque la Californie, préoccupée par la pollution de l'air, a adopté des référence plus élevées en 2002, l'Agence de protection de l'environnement, chargée des normes CAFE, lui en donné l'autorisation. L'administration de Georges Bush était revenue sur ces autorisations.
Barack Obama, devenu président, a obtenu que l'EPA (l'agence de protection de l'environnement) adopte la norme de la Californie. Dans la première phase de 2012 à 2016, les gains en efficacité énergétique ont, selon l'Union des scientifiques concernés, permis d'économiser plus de de 17 milliards de dollars. Pourtant, l'UCS a noté que chaque année, selon la norme actuelle du CAFE, 53 000 personnes souffrent d'une mort prématurée causée par la pollution automobile [1]
Pour sa part, l'EPA prévoyait qu'en 2025, des normes plus élevées réduiraient la consommation de pétrole de 12 milliards de barils avec les conséquences en terme d'émission de CO2.
De plus, une étude réalisée en 2012 par Blue-Green Alliance - une organisation composée d'organisations environnementales, d'entreprises et de syndicats - a estimé à 50 000 les nouveaux emplois générés par l'application des technologies en matière de réduction de consommation des automobiles dans les différents secteurs de fabrication. [3]
En examinant un large éventail de facteurs pour définir les normes pour la deuxième phase du CAFE (2022-25), le rapport de mi-parcours a établi une moyenne de 54,5 milles par gallon.Et Obama a entériné cette mesure en janvier 2017.
Le 15 mars, Trump a annoncé qu'il ordonnerait à l'EPA de rouvrir cette question à la demande des constructeurs automobiles qui prétendent que l'évaluation précédente avait été a été tronquée. Le site Web de l'EPA indique que l'évaluation sera terminée d'ici le 1er avril 2018.
A moins que Trump ne réclame la fin des exceptions, les Etats avec des nomes de consommation plus sévères représentent 40% du marché national des Etats-Unis. Cela signifie que les constructeurs automobiles devront continuer de s'adapter à ces nomes plus sévères. Et étant donné que l'industrie américaine opère sur un marché mondial où la concurrence exige une plus grande efficacité énergétique et le développement des véhicules électriques, les conséquences d'une révision à la baisse des normes n'auraient guère de conséquences pour les fabricants d'automobiles, même s'ils sont toujours satisfaits de disposer de plus de marges de manœuvre.
Les annonces de Trump visent trois objectifs. Tout d'abord, avancer sur la promesse de rebâtir une industrie automobile aux États-Unis, en créant des milliers d'emplois. Deuxièmement, souligner son mantra selon lequel toute réglementation la est une chaîne qui inhibe l'industrie. Et troisièmement, clouer le bec à ceux qui veulent réduire considérablement l'utilisation des combustibles fossiles au nom de la sauvegarde de la planète. Comme l'a déclaré Trump, «l'assaut sur l'industrie automobile américaine est terminé. Croyez-moi, c'est fini.

La dérèglementation piège les travailleurs
Les règlements dans les économies capitalistes imposent des normes pour protéger les travailleurs ou le plus grand nombre. Le Clean Air Act de 1970 et la création de l'EPA résultent directement de l'action des syndicats et des organisations concernées par la santé publique et l'environnement.
En particulier, Tony Mazzocchi, représentant du syndicat des des travailleurs du pétrole, de la chimie et de l'industrie nucléaire avait lu le livre de Rachel Carson, Silent Spring, et compris que les travailleurs de l'OCAW étaient en danger. Il avait poussé les travailleurs à comprendre pourquoi ils avaient besoin de lutter pour une législation sur l'air pur. Il avait établi une passerelle avec les mouvements environnementaux et les avait sensibilisé pour qu'ils soutiennent la santé et la sécurité des travailleurs. C'est pourquoi il est choquant que le mouvement ouvrier américain ait été piégé par la promesse de Trump de créer des emplois grâce à la déréglementation.
Les responsables de l'industrie du bâtiment ont été enchantés de l'ordre donné par Trump à l'armée des ingénieurs pour qu'ils opèrent un virage complet et achèvent les pipelines d'accès à Keystone et au Dakota. En fait, réduire considérablement la dépendance à l'égard des combustibles fossiles, signifie employer des travailleurs pour rendre les bâtiments éco-énergétiques, créer un système de transport de masse à la fois aux plans régional et national, et continuer à développer l'énergie solaire, éolienne, géothermique et hydraulique. Ce sont les emplois que nous devons exiger !
Mon propre syndicat, l'UAW, applaudit au mot d'ordre de Trump : "Acheter américain - Employer américain ». Mais il n'est pas possible de s'opposer à certaines partie du programme de Trump et d'appuyer avec enthousiasme d'autres parties. Les syndicats ne se rendent pas compte que la perspective étroite «Se soucier de nous-mêmes» nous éloigne de tout ce qui est commun à travers le monde avec les autres travailleurs. Nos intérêts sont avec eux et pas avec les multinationales qui nous emploient et polluent nos villes et nos campagnes.
Il est scandaleux que le budget de Trump appelle à une réduction de 21% des crédits du ministère du Travail et à une réduction de 34% ce ceux de l'EPA. Si ces coupes sont mises en œuvre, les inspecteurs qui assurent le respect des normes des lois seront mis sur mis à la porte. Lorsque la loi sur la santé et la sécurité au travail a été adoptée en 1970, il y avait 14 000 décès sur les lieux de travail et deux millions de travailleurs gravement blessés chaque année. Aujourd'hui, les décès des travailleurs ont été réduits des deux tiers. Des milliers d'autres souffrent de blessures invalidantes causées par des équipements, des outils et des machines mal entretenus.
Dans l'usine de fabrication de pièces d'automobiles où j'ai travaillé, une jeune femme a été scalpée par une chaîne d'assemblage dont on a ensuite montrée qu'elle était top rapide. Bien sûr, certaines industries sont beaucoup plus dangereuses que d'autres, mais des blessures comme comme ceux liés aux troubles musculo-squelettiques – les TMS- se produisent dans tous les lieux de travail. Nous avons besoin d'un renforcement, et non d'un affaiblissement, des protections de santé et de sécurité. Ceci est particulièrement vrai dans les usines de fabrication sans syndicats, là où le taux d'accidents est le plus élevé.

Plus de voitures sur les routes?
Il est également étonnant d'entendre Trump parler de la production de plusieurs milliers de voitures en plus. L'année dernière, l'industrie automobile américaine a produit plus de 17,6 millions d'automobiles ! Le changement climatique n'est pas un problème pour l'avenir car nous voyons déjà les effets de la combustion du charbon, du pétrole et du gaz. Nous devons passer rapidement de la dépendance à la voiture et aux camions à un système de transport en commun. Les usines automobiles peuvent être réaménagées pour produire des trains, des bus et même des composants pour les turbines. C'est le genre d'infrastructures dont nous avons besoin et que nous devons construire. Pas plus de pipelines, de voitures et d'autoroutes !
Au cours de la Première Guerre et de la Seconde Guerre mondiale, les usines automobiles ont rapidement été reconverties en usine pour le matériel militaire. Mais dans le même temps les travailleurs ont été licenciés et les populations entourant les usines ont été laissées pour compte. Cela ne doit pas se répéter! La justice environnementale exige que la société garantisse une indemnisation totale aux travailleurs et aux populations les plus directement touchées.
Dans le cadre de la transition vers une société économe en énergie, nous avons la possibilité de garantir la sécurité économique et de réduire les inégalités. La destruction que le capitalisme a déclenchée par sa demande continue d'accumulation et de profit doit faire place à l'impératif de mettre le bien-être de tous au centre de la transition.
Tout comme les règlements ont offert une certaine protection aux dangers de la production industrielle, une «transition juste» est un outil essentiel pour passer de notre économie de carburants fossiles à une économie durable. Personne ne devrait avoir à choisir entre un emploi et sa vie.
Certes, nous sommes loin du genre de planification démocratique qui pourrait nous apporter cette transition. Mais en développant la perspective d'une vie meilleure où ce serait le bien être de la majorité qui dicterait les choix , nous sommes en mesure de contrer la rhétorique du populisme de droite - où les mots sont retournés pour signifier leur contraire et où un bonimenteur nous raconte que tout ira bien si on le laisse décider tout seul.

Note 1 http://bit.ly/2mQpl31
Note 2 http://bit.ly/2ecDrVc
Note 3 http://bit.ly/2oc5Ti7 

L'article de Diane Feeley est aussi consultable en anglais sur le site d'Europe Solidaire : http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article41043

Publié dans Monde

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