General Motors : si nous ne gagnons pas maintenant, quand gagnerons nous ?

Publié le par NPA Auto Critique qui traduit un article de Chris Brooks et Jane Slaughter

Photo: Jim West / jimwestphoto.com.

La publication "Labor Notes" a publié une premier compte-rendu des réactions des travailleurs après la signature du projet d'accord entre l'UAW et le direction de GM. La grève de GM, la plus longue depuis 50 ans parmi les 3 grands constructeurs automobiles nord américains, était la meilleure occasion  de mettre fin à toutes les dispositions qui ces dernières années ont fracturé les travailleurs en niveaux et catégories. Rien de fondamentalement changé dans les propositions  de General Motors. Et rien de changé non plus pour les fermetures d'usines annoncées il y a un an.

Voici la traduction de cet article

"Ils disent toujours qu'il faudra plusieurs accords successifs pour enfin atteindre l'égalité et que nous ne pouvons pas tout gagner en une seule fois " déclare Sean Crawford, un travailleur du « deuxième niveau » dans l’usine d’assemblage de camions de Flint dans le Michigan.

Pour Crawford, la grève de GM, la plus longue depuis 50 ans parmi les 3 grands constructeurs automobiles nord américains, était la meilleure occasion pour le syndicat de mettre fin à toutes les dispositions qui ces dernières années ont fracturé les travailleurs en niveaux et catégories. « Il s'agit du troisième accord depuis la faillite de 2009 et c’est le troisième de ma carrière ", déclare M. Crawford. "Si nous n’obtenons pas maintenant satisfaction alors que GM est plus rentable que jamais, quand l'obtiendrons-nous ? Donc non, je ne soutiens pas le contrat."
Les profits de GM se sont
en effet élevés à 35 milliards de dollars au cours des trois dernières années.

Après près de six semaines sur les piquets de grève, les travailleurs de GM ont à choisir : accepter l'accord proposé ou bien voter non dans l'espoir d'obtenir mieux. Les dirigeants de l’UAW ont décidé que les travailleurs resteraient en grève pendant toute la durée du vote de ratification, celui-ci se terminant le vendredi 25 octobre à 16 h.

En 2015, les travailleurs de Chrysler avaient rejeté un premier projet d’accord à raison de 2 contre 1 et ils avaient fait reprendre les négociations pour obtenir d’avantage. Les travailleurs de GM, votant plus tard, n’avaient approuvé l’accord les concernant que par seulement 58 % chez les travailleurs de la production alors que les métiers les plus qualifiés l’avaient rejeté.

La division en niveaux de salaire est maintenue

L’accord contient quelques gains. Les travailleurs recevront une augmentation de leur salaire de 3 % la première et la troisième année de la période de 4 ans du contrat à venir, et une somme forfaitaire égale à 4 % du salaire annuel la deuxième et la quatrième année de la période. Jusqu'à maintenant, les travailleurs du deuxième niveau devaient attendre huit ans pour obtenir aux environs du salaire des travailleurs de premier niveau, avec un écart de quelques dollars en moins qui restaient. Ils pourront maintenant atteindre un salaire égal à celui du niveau 1 soit exactement 32,32 dollars à la fin de la période de 4 ans couverte par l’accord. Quatre ans de moins donc pour changer de niveau!

D’autre part, une voie de passage a été créée pour permettre à des milliers de travailleurs temporaires de devenir permanents après 3 ans d’activité. "En janvier, ils feront passer 850 travailleurs temporaires au statut de permanents, pour renouveler ce passage chaque mois et aboutir à un total de 2000 temporaires d'ici à fin 2020 déclare Tim Stannard, président de la section locale 1853 de l’UAW à Spring Hill, Tennessee.

John, un travailleur de 35 ans à l'Assemblée Detroit-Hamtramck, déclare aujourd'hui sur le piquet de grève : "Ce que nous obtenons est ce que nous allons obtenir. Ce n'est pas un mauvais contrat." La grève en valait-elle la peine ? "Oui. Les intérimaires ont été promus. Il y a des augmentations de salaires correctes.Les contributions des salariés aux soins de santé sont restés les mêmes."

Cependant, malgré ces résultats, GM a maintenu tous les niveaux qu'elle avait auparavant mis en place. Les travailleurs de deuxième niveau, c'est-à-dire ceux des permanents embauchés après 2007, recevront toujours un 401(k) pour leur retraite plutôt qu'une pension déterminée. Ils ne sont pas admissibles à la couverture santé des retraités, et leurs prestations de chômage, lorsqu'ils sont licenciés , durent deux fois moins longtemps que celles les travailleurs du niveau 1.

Les travailleurs de GM dans les entrepôts et les quatre usines de "pièces " continueront à gagner beaucoup moins que les travailleurs des usines d’assemblages même après huit ans de présence.

Et les travailleurs temporaires continueront à travailler à un salaire à peine plus de la moitié de celui des travailleurs de niveau 1. GM pourra continuer à les utiliser comme stagiaires pendant une très longue période de probation. "Je sais que le texte écrit que les intérimaires pourront être embauchés comme employés après un certain nombre d’années, mais ils utilisent toujours des temporaires ", dit Beth Baryo, une manutentionnaire dans un entrepôt de pièces près de Flint.

En vertu de la nouvelle convention, les intérimaires embauchés après le 1er janvier 2021 qui justifient de deux années d'emploi continu doivent être embauchés à titre permanent. Mais les employés temporaires conserveront leur ancienneté s’ils n’ont pas été mis à pied pour une période maximum de 30 jours. « Aussi sûr que Dieu porte des sandales, vous savez que GM licenciera des gens pour 31 jours," dit Baryo. "Je n'ai confiance en rien de ce qu'ils disent"

Ce qu’ils n’ont pas gagné

La plus grosse attaque de Genaral Motors été la fermeture des 4 usines d’assemblage annoncées il y a un an . Lors de la période de 4 ans que couvre chaque accord , GM ferme toujours plus d'usines et à chaque cycle de négociation, l’UAW prétend avoir un langage plus ferme pour protéger les emplois.

L’UAW a toujours présenté ses concessions qui n’ont cessé d’augmenter comme des mesures de sauvegarde de l'emploi. Et pourtant le nombre de travailleurs syndiqués de l'automobile employés par GM a chuté de 470 000 en 1979, lorsque les concessions ont commencé pour les trois « grands », à moins de 50 000 aujourd'hui.

Un grand nombre des concessions faites en 2007 et 2009 sont toujours en vigueur, ce qui montre à quel point il est difficile pour le syndicat de sortir de l’ornière dans laquelle il s’est mis. Il s'agit par exemple du paiement des heures supplémentaires après huit heures de travail, de nombreuses usines travaillant maintenant des journées normales de 10 heures sans rémunération des heures supplémentaires. Les travailleurs de niveau 2 n'ont rien pour la retraite. Et les futurs retraités de niveau 1 ont reçu un montant forfaitaire de 1000 dollars.

Quel e vote des travailleurs ?

Comme c'est souvent le cas lors d'une grève, beaucoup de gens insatisfaits de l'accord ont prédit que d'autres voteraient oui. "Les gens vont dire oui à cause de l'argent ", déclare Adriana Jaime, une travailleuse de 21 ans de l’usine d’assemblage de -Hamtramck, sur le piquet de grève. "Mais depuis des semaines que nous sommes en grève, ce n'est pas assez."

Un autre homme dit que la proposition de GM était globalement la même que celle qu’elle avait faite avant la grève, sauf pour la prime qui est passée de 8 000 dollars à 11 000 dollars. "Je ne suis pas impressionné".

Jack Jackson, âgé 50 ans, votera non. "Je suis fou de rage", dit-il. "Ce contrat a probablement été décidé avant même que nous ne partions en grève.

"J'espère que c'est bon pour les jeunes. Après 90 jours d’essai vous êtes à plein salaire. Ce contrat n'est vraiment pas pour moi. Il faut donner de l'argent aux retraités, notre prestation de retraite est la même depuis 12 ou 15 ans. Vous consacrez la moitié de votre vie à GM et ils traitent les retraités comme un vieux cheval mis au rebut que l’on tue »

Carla Duckett, après 37 ans d’activité , dit qu'elle est "sur la touche". Je vais prendre ma retraite, je veux voir ce que ça laisse à ceux qui doivent rester."
"Les dirigeants du syndicat vont essayer de faire valoir que c'est le mieux de ce qu'ils pouvaient obtenir, dit M. Crawford, mais si vous regardez l'accord de 2015, après que les gens de Chrysler aient rejeté la première proposition, ils sont revenus avec quelque chose de beaucoup mieux.

Les personnels d’Aramark ont aussi un accord

Les 850 personnes d’entretien employés par Aramark dans les cinq usines GM de l'Ohio et du Michigan qui ont participé à la grève aux côtés des travailleurs de GM ont appris hier qu'un accord de principe avait été conclu les concernant. Ils font du travail autrefois effectué par les travailleurs de GM, mais avec un salaire beaucoup moins élevé.

"Tout le monde gagne 15 $ et si vous avez dix ans d’ancienneté 10 ans, vous gagnez toujours 15 dollars ", déclare Karen Cool, du Centre technique de GM, près de Detroit. GM a embauché du personnel de remplacement pour l’entretien pendant la grève qui, avec l'appui de la police, a franchi quotidiennement les piquets de grève.

Le problème du Sud

L’afflux des constructeurs étrangers dans le Sud des États-Unis qui qui emploient des travailleurs non syndiqués constitue un phénomène qui échappe au contrôle des travailleurs en grève de GM.

Même après avoir retrouvé la rentabilité après sa faillite, GM perd toujours des parts de marché au profit de concurrents qui emploient des travailleurs non syndiqués comme Toyota, Nissan, BMW, Honda et Volkswagen. Tous ont recours à des proportions élevées de temporaires et de sous-traitants. Au cours des cinq dernières années, chez Nissan et Volkswagen, l’UAW a participé à trois campagnes très médiatisées pour obtenir le droit d’y syndiquer les travailleurs et les a toutes perdues.

Tant que les syndicats ne seront pas reconnus dans toute l'industrie automobile, les employeurs qui ne reconnaissent pas les syndicats paieront moins leurs travailleurs, leur offriront moins d'avantages sociaux, embaucheront plus d'intérimaires et externaliseront plus de travail pour obtenir un avantage concurrentiel sur leurs rivaux.

Publié dans General Motors

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