Les grévistes de General Motors dans leur troisième semaine de grève

Publié le par NPA Auto Critique. Article de Jane Slaughter Labor Notes

Photo: Jim West/jimwestphoto.com. Labornotes

Un article de Jane Slaughter publié le 2 octobre sur le site "Labor Notes" : les grévistes de General Motor tiennent ferme sur leurs revendications

Les travailleurs / euses de General Motors sont en grève depuis 17 jours maintenant, et ils viennent de toucher le premier versement de la caisse de grève de l’UAW, 250 dollars par semaine. Les grévistes se demandent qui tiendra le plus longtemps— des travailleurs réclamant la justice, ou d'une entreprise immensément rentable et exigeant encore plus de sacrifices ?

Les profits énormes de GM, 35 milliards de dollars au cours des trois dernières année, sont à la fois un aiguillon pour les grévistes qui savent GM peut se permettre de payer, mais aussi dotent l'entreprise d’assises confortables. Les grévistes, dont certains gagnent moins de 15,78 dollars de l'heure, ont moins de réserves. Les grèves étant rares chez les trois grands constructeurs automobiles, les travailleurs ne s'attendaient pas à ce que leurs dirigeants appellent cette année à la grève.

Mais GM s'est avéré plus intransigeant que ce qu’attendaient les dirigeants de l’UAW, enclins à coopérer avec les entreprises. Et la grève, dure plus longtemps que prévue par Wall Street. Le Vice-Président de l'UAW Terry Dittes a rapporté lundi 30 septembre que les deux parties n'étaient pas proches d'un accord.

General Motors a augmenté la contribution des travailleurs à l’assurance maladie, créé un nouveau niveau de salaires encore plus bas pour les travailleurs affectés à la fabrication des batteries, versé des primes au lieu d'augmenter les salaires, et fixé la hausse des salaires à 4% au total pour les quatre prochaines années.

GM a l’intention de recruter encore plus de travailleurs « temporaires ». Ces travailleurs hors contrat sont payés à l’heure et représentent 7 % de la totalité du personnel. Il y a également, dans les usines  des milliers de salariés dépendant d’autres entreprises sous-traitantes et sans sécurité d’emplois. Et dans les usines automobiles possédées aux États-Unis par des firmes allemandes, japonaises et coréennes, il n’y a pas du tout de contrat syndical et de très nombreux travailleurs « temporaires ».

Bien sûr, GM ne voit aucune raison de revenir sur les innombrables concessions que le syndicat a consenties en 2007-2015 : une demi-salaire et pas de pensions de retraite pour les nouveaux employés, d'autres “niveaux” de salaires, pas de paiement des heures supplémentaires en cas de dépassement de la durée quotidienne de travail de 8 heures, la seule indemnisation étant celle requise par la loi au delà de 40 heures par semaine.

Qu’il nous rendent ce qu'ils nous ont pris !

Que devraient attendre les travailleurs de GM—et leurs homologues de Ford et Chrysler—lorsqu'un accord de principe sera finalement conclu ?

Les dirigeants de L'UAW n'ont pratiquement rien dit au sujet des revendications concrètes avant le début de la grève, et ils sont presque aussi muets depuis. Leur communication officielle demande maintenant “des salaires équitables, la sécurité de l'emploi, notre part des bénéfices, des soins de santé de qualité et à un coût abordable, et une solution pour le passage des « temporaires » au statut de travailleur permanent." Ces propositions sont bien vagues, ce qui laisse beaucoup de marges de manœuvre aux négociateurs . Qu'est ce qu'un salaire juste? Qu’est ce qu’un soin de santé au coût abordable ?

Dans les propositions actuelles, Il n'est pas question de raccourcir le délai de huit ans aujourd’hui nécessaire pour passer du deuxième au premier niveau de salaires, ni de rendre égaux les salaires dans les usines d’assemblage et dans celles des pièces, ni d’en finir avec les très bas salaires des ouvriers de la filiale de GM Subsystem qui manipulent des pièces à l'intérieur des usines d'assemblage. En plus, pour construire des véhicules électriques à moindre coût, les travailleurs sont employés par une autre filiale de GM, hors du contrat UAW.

Sur les piquets de grève, ce qui est jugé nécessaire est très différent. La demande prioritaire qui s’exprime est « l’embauche des travailleurs temporaires » pourqu’ils deviennent travailleurs permanents. L'idée selon laquelle ces « temporaires» seraient embauchés pour faire face aux urgences, a été abandonnée dans les faits depuis longtemps. Le contrat GM de 2015 fixe les salaires de ces travailleurs temporaires selon qu’ils aient cinq, six ou sept ans d'ancienneté. Ce contrat avait également réduit de 7 % les salaires de ces nouveaux embauchés « temporaires ».

En finir avec les niveaux les niveaux. Payez tout le monde de la même façon avec les mêmes avantages”, déclare Greg Frost, travailleur à L'Assemblée de Detroit-Hamtramck, qui, avec 42 ans d'ancienneté, est au maximum de salaire.

James Fulks, un autre vétéran de 42 ans d’ancienneté, déclare : “Que les travailleurs temporaires deviennent permanents parce qu'ils travaillent ici depuis des années. Et il faut réduire le délai pour passer d’un niveau à un autre. Huit ans c’est bien trop long ! »

Liz Malone, une employée de Ford qui visite un piquet de grève , dit “ " Qu’ils nous rendent ce qu’ils nous ont pris. Les TPTs travaillent aussi dur que nous.” (Chez Ford on appelle les « temps » de chez GM des "Temps partiel temporaire" , des TPTs)

Un employé d'atelier de carrosserie, Cassandra Gaddis, était passé d'une usine Ford à une autre et après avoir subi une fermeture d'usine, s’est retrouvé chez GM. Sa principale demande est que son usine actuelle, Detroit-Hamtramck reste ouverte.

Des affaires de famille

Un grand nombre de travailleurs des « trois grands » ont un enfant, un parent ou un autre membre de la famille dans l'usine. Les entreprises accordent depuis longtemps la préférence à l'embauche aux membres d’une même famille.

Mais cette politique apparemment bienveillante est en train de se retourner contre elle. À mesure que les nouveaux employés accusent du retard en terme de salaires et d’avantages sociaux, ils ont leurs propres défenseurs à l'intérieur des usines. GM a divisé les travailleurs avec des salaires différents au sein des familles ; les familles s'unissent pour se battre pour les plus jeunes d’entre elles.

Melanie Binder est une travailleuse GM de la troisième génération. Son grand-père, son père et ses oncles y ont travaillé. ” Quand J'appelle mon père et que je lui dis ce qui se passe ici“, dit Binder, "il dit toujours," ce n'est pas bien ». Il n'arrive pas à croire à quel point les choses ont changé. Je prie pour que les négociateurs de l'UAW fassent au mieux pour nous tous, et pas seulement pour eux-mêmes.”

Binder dit ne pas vouloir que la pension de son père soit baissée : “vous devez faire attention et ne pas voter contre quelque chose qui pourrait être crucial.”

L’UAW recherche une issue

L'UAW a émis l'idée qu'elle maintiendrait les travailleurs en grève pendant qu'ils voteront sur un projet accord, ce qui n'est pas sa pratique habituelle.

Les négociateurs de L'UAW vont probablement essayer de trouver une issue entre les injonctions de GM et les demandes de la base. Ils ne veulent pas d’une répétition de 2015, lorsque les travailleurs de Chrysler avaient refusé un contrat qui n'offrait aucune perspective aux travailleurs du 2ème niveau de salaire de passer au premier, le régulier. L’UAW avait alors été forcée de retourner négocier, obtenant le délai de 8 ans actuellement en vigueur pour passer d’un niveau à un autre. Mais en acceptant, d’un autre côté, l’augmentation du nombre des travailleurs « temporaires »

Est-ce que cette longue grève va rendre les ouvriers de GM encore plus déterminés à obtenir un bon contrat, et les rendre plus enclins à voter non ? Ou bien est ce que cela va conduire à un accord révisant à la baisse les revendications ?

Il faut se méfier de propositions d’accord octroyant des primes mais avec pour but de faire partir les travailleurs les plus anciens. Une autre manœuvre possible est de donner à certains « temporaires » actuels » la possibilité de passer à un statut de « permanent », mais au niveau de salaire inférieur. On repartirait alors pour créer de l’inégalité pour encore 4 ans. !

Quoi qu'il en soit, les travailleurs / euses de GM devront lire l'intégralité du projet, pas seulement les têtes de chapitres vantées par le syndicat, en discuter entre eux, tenir des réunions d'information, se rassembler, d'imprimer des flyers et des T-shirts « Vote No » comme les travailleurs / euses de Chrysler l'avaient fait en 2015. Ils ont la possibilité de voter « non » et le syndicat a la possibilité de recommencer la grève après un non.

Publié dans General Motors, USA

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