Chez un équipementier automobile en Italie, écologie populaire et autogestion ouvrière

Publié le par L'Anticapitaliste. Théo Roumier

Lundi 23 octobre dernier, près de 150 personnes se pressaient à la Bourse du travail de Paris pour une soirée de soutien à la lutte des ex-GKN de Florence, à l’initiative de plusieurs associations et syndicats1. Dario Salvetti, l’un de ses principaux animateurs, était présent.

Tout commence le 9 juillet 2021. L’interdiction de licencier mise en place pendant la crise du Covid vient à peine d’être levée que les 500 ouvrierEs de l’usine GKN de Florence (Toscane, Italie) reçoivent un mail leur annonçant brutalement la fermeture du site et leur licenciement. L’usine GKN, équipementier automobile lié à l’empire Fiat, n’est pourtant pas en difficulté. Mais depuis 2018, elle est dans l’escarcelle d’une multinationale adepte du profit maximal.
Expérience de pratique syndicale « participative »
La résistance ouvrière éclate : les grilles de l’usine sont enfoncées, le site est occupé et une assemblée permanente est immédiatement mise sur pied. Il faut beaucoup de confiance dans la force collective pour un combat de cette ampleur : les ouvrierEs de GKN ont une expérience solide en la matière, forgée dans la pratique du Collectif d’usine (Colletivo di Fabbrica). Créé en 2008, il est une émanation directe et démocratique des travailleurEs, garantie de leur auto-organisation. Dario Salvetti — par ailleurs syndicaliste de la CGIL — l’a redit le 23 octobre : c’est toute une pratique syndicale « participative » qui a permis que la lutte soit ce qu’elle est.
Une démarche aussi, celle de l’ouverture. Un collectif de soutien est rapidement créé, baptisé Insorgiamo (en référence à la devise de la résistance florentine). Les manifestations, massives, se multiplient. Les GKN prennent part activement aux mobilisations Climat. Des concerts de soutien, un festival de littérature « Working class » se tiennent, une coordination des femmes de GKN se monte : le soutien est réel et ancré dans son territoire.
Contre-plan ouvrier de reconversion écologique
Devant l’incurie des pouvoirs publics et un repreneur déclaré mais défaillant, les GKN présentent à la presse, devant leur usine, leur propre plan de reprise le 11 mars 2022, construit avec l’aide d’économistes, de juristes et d’ingénieurEs. Il peut y avoir des « compétences solidaires », tant que la direction de la lutte reste à l’assemblée permanente… Le « contre-plan ouvrier » repose sur la reconversion écologique de la production. Dario Salvetti précise : « Il ne s’agit pas de traiter la question écologique comme une question de principe, mais de l’incarner dans le quotidien d’une usine ».
Pour porter ce projet, les désormais ex-GKN s’orientent depuis 2023 vers une voie coopérative avec une production autogérée de vélos-cargos et panneaux solaires. Solution nécessaire pour garantir des emplois à ce stade, elle n’est pas selon eux suffisante : les GKN maintiennent leur combat dans un cadre anticapitaliste. C’est là, dans de telles luttes, prises en main par les classes populaires elles-mêmes, que doit s’inscrire et peut s’imposer une perspective écosocialiste.

À lire : Lukas Ferrari et Dario Salvetti, « La lutte des ex-GKN à Florence : mouvement social et projet de reconversion écologique par le bas », Contretemps le 10 juillet 2023.

Publié dans Ecologie

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