Aux Etats-Unis, les ouvriers de Volkswagen passent le relais à ceux de Mercedes
In Relay Race to Organize the South, Volkswagen Workers Pass the Baton to Mercedes Workers
Michael Göbel, president and CEO of Mercedes-Benz U.S. International, stepped down from his post yesterday, according to a video message that workers were shown. Göbel had groused in an April ...
Michael Göbel, président et chef de la direction de Mercedes-Benz U.S. International, a démissionné hier de son poste, selon un message vidéo qu’il a adressé aux travailleurs de l’usine.
Göbel s’était plaint lors d’une réunion interne à l’entreprise tenue au mois d’avril de la déclaration d’un travailleur selon laquelle Mercedes s’était installé ici en raison des faibles salaires pratiqués dans l’Etat d’Alabama. Son départ est une autre victoire pour les travailleurs de Mercedes-Benz, qui ont obtenu des augmentations de salaire et mis fin au système des niveaux différenciés de salaires, mais qu’ils n’avaient pas encore voté pour la création d’un syndicat.
L’entreprise et les politiciens de l’Alabama ont intensifié leur campagne antisyndicale à l’approche du vote pour la création d’un syndicat dans l’usine. Les 5 200 travailleurs de l’usine de Mercedes et d’une usine de batteries électriques à l’extérieur de Tuscaloosa voteront du 13 au 16 mai sur la possibilité de rejoindre l’UAW avec un résultat attendu le 17 mai.
Ce vote suit de près celui des travailleurs de Volkswagen de Chattanooga, au Tennessee, qui ont remporté une victoire historique le 19 avril, la première victoire électorale de l’UAW dans le Sud depuis les années 1940.
Le vote de VW fut un triomphe : 2628 oui contre 985 non, avec 84% de participation. Le Conseil national des relations de travail a certifié les résultats le 30 avril, ce qui signifie que VW est maintenant légalement tenu de commencer à négocier avec le syndicat.
Les patrons se réveillent
Le gouverneur de l’Alabama, Kay Ivey, et le Business Council of Alabama se sont opposés avec véhémence aux nouvelles initiatives de l’UAW. Ivey a dit que les syndicats attaqueraient « le modèle de l’Alabama pour la réussite économique ».
Le BCA, selon une analyse de Derek Seidman pour Truthout, exprime la volonté des sociétés les plus puissantes de l’État, y compris la plus grande entreprise de services publics de l’Alabama, un fournisseur de soins de santé et une banque
Pendant ce temps, les travailleurs de l’automobile de Hyundai à Montgomery ont engagé 30 pour cent de leurs 4 000 collègues dans une autre ambitieuse campagne de syndicalisation.
« Gov. Ivey a téléphoné aux dirigeants de Mercedes et de Hyundai pour leur enjoindre : « S’il y a des problèmes, vous devez les régler », a déclaré la secrétaire au Commerce de l’Alabama, Ellen McNair, la semaine dernière dans une émission de télévision.
Elle a dit que les campagnes syndicales ont « attiré l’attention de tous les patrons de tous les États. « Réveillez vous pour écouter vos employés. »
Aux portes de l’enfer
Si les travailleurs de l’Alabama votent oui, les travailleurs de la Caroline du Sud pourraient se lever à leur tour chez Mercedes à Charleston, Volvo à Ridgeville et BMW à Greer. Les 1 600 travailleurs de cette usine Mercedes produisent des fourgonnettes Sprinter. Chez Volvo, 1 500 fabriquent des berlines S60 et des SUV de luxe, dont le Volvo EX90 entièrement électrique. Volvo appartient à la multinationale automobile chinoise Geely, mais elle est toujours dirigée par les Suédois.
L’usine de Greer est la plus grande usine BMW au monde, employant 11 000 travailleurs qui y assemblent les SUV, véhicules et coupés des séries BMW X et XM.
La Caroline du Sud accueille également de nombreuses entreprises européennes, telles que Michelin, qui fournit des pneus à BMW, BASF, fournisseur de technologies de contrôle des émissions, et le plus grand fournisseur automobile au monde, Bosch, qui fabrique des systèmes d’injection.
L’UAW fera face à un combat difficile dans cet État, où seulement 1,7% des travailleurs sont syndiqués. Le gouverneur de la Caroline du Sud, Henry McMaster, a déclaré en janvier, faisant référence à un conflit avec les dockers, qu’il « combattrait » les syndicats « aux portes de l’enfer ».
L’élan fourni par les grèves de l’automne chez les 3 grands constructeurs nord américains
L’UAW est sur la vague de cet élan après avoir remporté des contrats historiques chez les 3 grands constructeurs automobiles l’année dernière. Les travailleurs du Sud ont particulièrement prêté attention aux gains obtenus lors de cette grève.
« Nous pouvions voir ce que les autres travailleurs de l’automobile faisaient par rapport à ce que nous faisions », a déclaré Yolanda Peoples, membre du comité organisateur de la chaîne d’assemblage de moteurs Volkswagen.
Les travailleurs de la production chez VW commençaient à 23 dollars l’heure et dépassaient légèrement les 32 dollars, comparés aux 43 dollars que les ouvriers de l’UAW de l’usine d’assemblage de Spring Hill de Ford, située à proximité, gagneront d’ici 2028 en vertu du nouveau contrat.
Dans une vaine tentative d’empêcher cette campagne syndicale, Volkswagen a augmenté les salaires de 11% pour égaler l’augmentation immédiate des membres de l’UAW obtenue chez Ford. Le salaire est ainsi passé de 29 à 32 dollars
En 2023, L’UAW a dépensé 152 millions de dollars pour les caisses de grève, contre 116 millions de dollars dépensés par l’ensemble du mouvement syndical en 2022, selon le chercheur syndical Chris Bohner.
Mais même dans la « grève Stand-Up », l’UAW n’a pas gagné sur toutes les revendications. Mercedes utilise l’échec du syndicat sur les retraites. « L’UAW vous promet une pension si vous votez pour eux ? Ils ont fait la même promesse aux Big 3, mais ils n’ont pas tenu leur promesse », lit-on dans un « flyer » que l’entreprise distribue dans l’usine.
Dans une vidéo Facebook Live du 23 avril, le président de l’UAW, Shawn Fain, a décrit l’investissement syndical dans le Sud comme partie prenante de la stratégie visant à continuer à se renforcer pour gagner sur de nouvelles revendications la prochaine fois.
« Ce n’est pas de la charité, c’est une question de rapport de forces», a-t-il dit. « En 2028, nous retournerons à la table de négociations avec Ford, General Motors et Stellantis. Si nous voulons avoir un effet de levier pour récupérer nos pensions et nos soins de santé à la retraite, nous devons organiser les non organisées. »
« Leur stratégie a été de développer leurs campagnes comme couvrant toute une branche d’industrie, pas seulement des entreprises individuelles », a déclaré l’organisateur syndical et écrivain Dave Kamper. « Cela leur permet, par exemple, d’avoir des militants qui travaillent chez un constructeur automobile qui font campagne pour les travailleurs d’une autre entreprise. Leur message n’essaie pas d’opposer les travailleurs d’une entreprise aux autres. C’est vraiment une stratégie de la classe ouvrière, qui fait appel à la solidarité de classe plutôt qu’à la loyauté envers une entreprise. »
Les grands constructeurs automobiles où les travailleurs ne sont pas syndiqués sont des cibles stratégiques pour le syndicat. Mais ce qui a été crucial pour le succès chez VW et l’élan observé jusqu’à présent chez des autres entreprises, c’est ce que les organisateurs appellent des « hot shops », c’est-à-dire que les travailleurs sont enthousiastes à l’idée de s’organiser.«
Une campagne venant d’en haut ne peut susciter le désir militant d’un syndicat à partir de rien », a déclaré Richard Yeselson, écrivain sur le travail et ancien stratège de campagne syndicale, et qui a vu de nombreuses autres initiatives syndicales « stratégiques » tomber à plat. Le succès « exige des militants combatifs pour animer une campagne syndicale, pas une campagne syndicale pour recruter des militants.
Des comités d’organisation massifs
Chez VW, « nous ne pensions pas que les choses se passeraient aussi vite », a déclaré Victor Vaughn, un travailleur de l’usine.
Le comité organisateur a recruté 300 collègues comme responsables pour les différents secteurs de l’usine. « Nous avions une couverture bien supérieure à 90 % de l’usine, à chaque poste, à chaque ligne », a déclaré M. Vaughn. «Nous étions là où nous devions être »
Les travailleurs ont obtenu le soutien des organisateurs de l’UAW de la région 6 de la côte ouest pour la construction d’un comité hautement représentatif et bien formé. Les organisateurs ont insisté sur le recrutement d’un large éventail de responsables, et ont facilité la participation des travailleurs, simplement pour parler à leurs collègues, en signant la pétition publique « votez oui » avec leur visage, et en portant des vêtements aux couleurs et mots d’ordre du syndicat dans l’usine.
Le comité organisateur bénévole a tenu ses propres réunions, renforçant ainsi le leadership et la confiance des membres syndiqués. Comme dans le cas de la campagne Mercedes, les organisateurs ont également communiqué des données en temps réel au fur et à mesure que les cartes arrivaient, afin que le comité puisse voir où il y avait du soutien et où il y avait des trous.
Bon nombre des organisateurs de l’UAW venaient de l’enseignement supérieur, un secteur où les diplômés se sont récemment syndiqués en grand nombre.
Mais le fait que la campagne soit dirigée dans l’usine par les travailleurs de l’usine a rendu plus difficile pour la direction de présenter de façon convaincante le syndicat comme un « tiers » extérieur.
Une campagne dès le premier jour
Contrairement aux campagnes précédentes, les travailleurs ont manifesté leur appui syndical dès le premier jour. « En 2019, vous pourriez avoir vos circulaires syndicales, mais vous deviez rester silencieux », déclare Renee Berry, une travailleuse de la logistique du comité organisateur qui travaille à l’usine depuis 14 ans. « Nous devions cacher les tracts dans notre sac. Nous ne pouvions pas les mettre en vue»
En 2019, les antisyndicaux et les pro-syndicaux avaient des bureaux dans l’usine « Les gens avaient trop peur d’aller au bureau du syndicat » explique Berry. Si la direction la surprenait en train de répondre dans l’usine à ’un travailleur au sujet du syndicat , elle était amenée au bureau de la direction du personnel.
Plutôt que de défier cette culture de la peur, les organisateurs de l’UAW se sont, cette année, retirés de la confrontation directe. Avant, « avec les gens qui militaient pour l’UAW, c’était comme si nous faisions partie d’une société secrète » déclare Peoples. « Comme nous ne voulions pas avoir de problèmes avec la direction de l’usine parce que nous avons dit le mot « syndicat », c’était très difficile pour nous de discuter à nos collègues. »
Berry nous indique que les travailleurs en avaient tellement marre qu’ils défiaient ouvertement la direction. « Ils s’en fichent, au point qu’ils en ont assez d’être intimidés », dit-elle. « Ils vont soit me virer, soit me donner un avertissement. Vous devez vous défendre quelque chose, sinon vous acceptez tout ». Vous devez dire : « Quoi qu’il arrive. je dois continuer, »
Nous tous contre les milliardaires
Alors que les politiciens se sont unis pour s’opposer aux campagnes syndicales, les comités d’organisation de VW et Mercedes se sont efforcés, non pas de choisir les démocrates contre les républicains, mais la classe ouvrière contre les milliardaires. Cette idée résonne; les travailleurs ont de bonnes raisons d’être en colère.
« Pour la plupart, les gens se ressaisissent et ne prêtent pas attention à la merde politique », nous déclare Angel Gomez, un travailleur de VW. « Les politiciens ne savent rien du travail des ouvriers Ils naissent avec une cuillère en argent dans la bouche. » Regardez le gouverneur du Tennessee, Bill Lee, héritier d’une entreprise familiale de construction avec des revenus annuels de 220 millions de dollars en 2019 lorsqu’il est devenu gouverneur.
« Nous avons une démocrate à la Chambre des représentants des États-Unis à Birmingham nommé Terri Sewell », déclare Jeremy Kimbrell, opérateur de machine de mesure chez Mercedes. « C’est une démocrate pro business. Elle fera de belles paroles aux travailleurs et aux syndicats, mais au bout du compte, elle est achetée et payée par les patrons. »
« Pendant des siècles, l’économie du Sud a été un jeu truqué, un plan conçu pour enrichir quelques privilégiés au détriment du plus grand nombre », indique M. Fain, manifestant avec les travailleurs de Daimler Truck en Caroline du Nord avant l’expiration de leur contrat le 25 avril.
Les riches et les puissants ont « dominé les gouvernements des États et rédigé des lois pour protéger leurs propres intérêts », déclare M. Fain. « Ils pensent que le monde est divisé entre ceux qui établissent les règles et ceux qui sont gouvernés… Mais maintenant ils sentent que les choses changent. »
Tout près du départ d’une grève, le syndicat et Daimler ont conclu un accord provisoire sur lequel les travailleurs voteront. L’accord met fin aux niveaux de salaires selon la date d’entrée dans l’usine, augmente les salaires de 25 % sur quatre ans, ajoute une indexation sur le coût de la vie et, pour la première fois, un partage des bénéfices.
« Nous avons donné l’exemple à tout le Sud », a déclaré à Reuters le président de la section locale 3520 de l’UAW en Caroline du Nord, Corey Hill. « J’espère que Mercedes à Tuscaloosa fait attention à ce que nous faisons. »
Une approche audacieuse
Si les travailleurs sont devenus audacieux dans les ateliers, l’UAW avait eu la même audace au plan national lorsqu’elle avait promis d’organiser 150 000 travailleurs de l’automobile non syndiqués, en particulier dans le Sud.
« Ils n’ont pas dit : « Commençons par une ou deux usines et voyons si nous pouvons y arriver », explique M. Kamper. « Ils ont ciblé toutes les usines , tout d’un coup, et ont engagé des ressources importantes pour cela. Mobiliser pour cette campagne et se féliciter d’y investir 40 millions de dollars, cela est une audace qu’on ne voit pas souvent. »
« Afin de lancer ces campagnes et d’agir si rapidement, les dirigeants ont dû détacher des travailleurs militants de confiance », déclare Stephanie Luce, auteure et professeure d’études sur le travail à la City University de New York. « Nous avons besoin de leadership, d’investissement, de prise de risques et de créativité, tant du haut de l’échelle que de la base. »