Renault Lardy : la course au dumping social
Le texte de l'interview de Florent Grimaldi secrétaire du syndicat CGT Renault Lardy, par le journal L'Humanité
Lorsqu’il est entré dans l’industrie automobile, en 2005, le secteur vivait en quelque sorte la fin de son âge d’or. A l’époque, l’ingénierie recrutait encore en France, une aubaine pour un jeune homme passionné de voitures depuis l’enfance, qui avait attrapé le virus de la mécanique auprès de son grand-père. Pour pas mal de gens, c’est la passion qui amène dans ce métier confirme Florent. J’ai toujours adoré la mécanique automobile. C’est pourquoi j’ai fait des études d'ingénieur à Saint-Etienne, avant d’intégrer l‘institut français du pétrole ».
L'amateur, devenu professionnel entre au centre ingénierie de Renault à Lardy {Essonne), pour lequel il travaille toujours vingt ans plus tard. Il démarre dans la conception des moteurs. Aujourd’hui, il cherche à optimiser le fonctionnement de ces derniers pour qu‘ils rejettent moins de pollution. En deux décennies, son secteur a été profondément bouleversé par les vagues de délocalisations conduites par les géants de l‘automobile tricolore, qui ont contribué à laminer l’emploi : entre 2004 et 2020, l'industrie automobile française a perdu environ 130 000 postes, soit 40 % de ses effectifs. Dans les années 1990-2000, les constructeurs délocalisent leur production vers l’Europe de l‘Est, et la Turquie.
Un mouvement de dumping social qui se poursuit aujourd’hui, raconte Florent, Renault délocalise toute sa production thermique en Espagne et en Roumanie, sous prétexte de préparer la transition vers l’électrique. En gros, ils expliquent qu’après l’interdiction des voitures à essence en Europe en 2035, les seuls marchés où ils pourront encore vendre, se trouveront en Amérique latine ou en Afrique, où le pouvoir d’achat est beaucoup plus faible. D’où la nécessité de réduite drastiquement les coûts de production.
Multiplication des burn-out.
Le centre de Lardy a été frappé de plein fouet par l’externalisation de l’activité, avec des effectifs divisés par deux en cinq ans, passés de 2 400 salariés à 1200. «Les travailleurs roumains ou espagnols viennent se former chez nous, raconte l’ingénieur, également secrétaire du syndicat CGT de Lardy. Autrement dit, on forme des gens qui vont récupérer notre boulot. Cela crée un sentiment étrange : l’écœurement de voir nos compétences disparaître, contrebalancé par la solidarité naturelle entre travailleurs.
En réduisant les effectifs, cette course au dumping social produit des effets douloureux sur le quotidien de Florent, qui dit assister à une dégradation des conditions de travail. « Il y a beaucoup de burn out chez nous, même si le recensement est difficile , explique-t-il. Globalement, les gens ont l’impression de fournir un travail de moindre qualité, donc ça rejaillit sur le moral.