Après l'auto intox du salon de l'automobile, retour à la réalité de la crise

Publié le par Jean-Claude Vessillier Tout est à Nous . 18 Novembre 2010

L’auto intox du salon de l’automobile aura duré moins d’un mois. Le retour aux réalités est brutal : l’aggravation de la crise de l’emploi et les pressions sur les salaires sont inscrites dans les prévisions des prochains mois. Le nombre d’entreprises sous-traitantes qui ferment ou licencient augmente, et selon un rapport officiel remis au ministre de l’Industrie, Estrosi, 40 000 à 50 000 emplois sont menacés dans la filière en 2010 et 2011.

Les restructurations que connaît tout le secteur depuis l’irruption de la crise courant 2008 sont à l’origine de cette intensification des attaques contre l’emploi. S’il est incontestable que PSA et Renault ont renoué avec les profits, leur activité industrielle en France est de plus en découplée de leurs profits accumulés à l’échelle mondiale.
- 41% des voitures Renault et 54% des Peugeot-Citroën vendues en France provenaient des usines françaises (chiffres de 2009) La majorité des « petites » voitures de ces trois marques sont ainsi fabriquées aux frontières de la vieille Europe occidentale.
- Les lieux de croissance de la production et des ventes mondiales d’automobiles se sont déplacés vers des pays comme la Chine, l’Inde ou le Brésil. Tous les constructeurs mondialisés s’y précipitent pour y accumuler la majorité de leurs profits
- Les firmes de construction automobile ne produisent plus qu’environ 30% de la valeur d’une « bagnole » vendue avec le badge de la marque. Tout le reste est fabriqué par les équipementiers et les sous-traitants. Il avait fallu des décennies pour aboutir en France à la constitution de seulement deux groupes de construction automobile. Le même processus de concentration est en cours pour les équipementiers qui restructurent à tout va.

C’est bien la conjugaison de ces trois facteurs qui aboutit simultanément à l’accroissement des profits pour PSA et Renault en tant que groupes mondialisés, et à l’exacerbation d’une « crise » qui frappe en priorité le secteur des équipementiers et leurs travailleurs.

Ce secteur des équipementiers automobiles est éclaté en usines de petites dimensions, comparées à celles du montage des voitures. Mais petites usines ne signifie pas petites entreprises propriétaires. De grands groupes structurent de plus en plus le secteur à coup de rachats, d’absorptions et de fusions.

La « crise » est une véritable aubaine pour aller encore plus vite dans l’émergence de quelques groupes d’équipementiers. Et les subventions pleuvent grâce au Fonds de modernisation des équipementiers automobiles (FMEA), créé début 2009 par les autorités françaises en réponse à la crise du secteur avec un « budget » à ce jour de 210 millions d'euros. Il reste encore 390 millions d'euros disponibles sur le montant initial de 600 millions, a précisé le ministre. Merci pour les entreprises, mais ce sont les salariés qui sont en première ligne. L’expérience de ces derniers mois montre que les subventions de ce fonds de modernisation sont allées aux entreprises qui restructuraient, licenciaient et fermaient de usines. Rappelons nous, le premier groupe à bénéficier de ces subventions avait été le groupe Trèves qui avait empoché  55 millions d'euros et ensuite liquidé les usines Sodimatex à Creil en avril 2010 et PPTM en Champagne en juin.
.

Les secteurs en première ligne des restructurations sont l'emboutissage, le secteur des moules et modèles et la plasturgie. Lorsque Estrosi annonce une nouvelle vague de subventions, on a vraiment tout à craindre au nom de cette expérience passée : ce sera de l’argent public pour restructurer et en conséquence des suppressions d’emploi.

Les bénéficiaires de ces opérations sont clairement identifiés : Faurecia dépendant du groupe PSA. Valéo, Bosch ou le groupe italien Sogefi, propriétaire de Filtrauto qui veut fermer son usine de Bretagne. Rien à voir avec des PME menacées de faillite Ce sont tous des groupes dont les chiffres d’affaires dépassent le milliard d’euros. Et ils sont partout à l’offensive contre les travailleurs. Les luttes dans les plus grandes usines automobiles avaient tendance à tirer tout le secteur vers le haut. Aujourd’hui, c’est le secteur des équipementiers et de fabrication de pièces qui tire emplois, conditions de travail et salaires vers le bas.

En moins d’un mois, deux fabricants de pièces, Dura Autotive à Saint-Etienne et Beher à Hambach en Moselle, ont mobilisé des hélicoptères pour briser et contourner les piquets de grève. Le chantage à la régression sociale pour imposer la remise en cause des conventions collectives se banalise. General Motors Strasbourg ou Continental en Midi-Pyrénées sont les exemples les plus connus de ces référendums-chantages.Tous n’aspirent qu’à suivre l’exemple de Fiat en Italie  qui cherche à imposer aux salariés de nouvelles conditions de travail draconiennes, « en échange » d’investissements massifs pour produire la Fiat Panda dans cette usine. La Direction de Fiat fait miroiter 15 000 embauches et menace les travailleurs de fermer le site, si ce plan était refusé par les travailleurs. Parmi les mesures proposées par la direction figurent une diminution du nombre et des temps de pause, une intensification drastique des rythmes de travail et l’interdiction de facto de faire grève pendant toute une période. Les firmes comme Renault et PSA attendent en embuscade pour eux aussi revenir sur leurs engagements contractuels des années passées.

Le décalage entre l’ampleur des profits patronaux et l’intensité des attaques contre les travailleurs rend possible des mobilisations qui arrachent des succès pour les travailleurs. Une majorité de salariés n’a pas accepté les conditions de Continental en Midi-Pyrénées et la lutte à l’usine Ford de Blanquefort près de Bordeaux a réussi à imposer le retour de Ford comme opérateur industriel.

Ces éléments de résistance victorieuse sont des encouragements pour des luttes appelées à se coordonner contre le patronat de l’automobile et le gouvernement, copains comme fauteurs de crise réunis.

Publié dans Faits-et-chiffres

Commenter cet article