L'industrie automobile menacée d'une rechute. Article "Le Monde" 13 septembre

Publié le par Source Le Monde Edition 13 septembre 2011

Le ralentissement économique sera au coeur du 64e Salon de Francfort, qui s'ouvre jeudi 15 septembre 

Officiellement, les constructeurs automobiles, réunis à l'occasion du 64e Salon automobile de Francfort, qui ouvre ses portes aux professionnels jeudi 15 septembre (samedi au grand public), tenteront de garder leur optimisme pour l'avenir du secteur. Plus de 89 premières mondiales sont prévues. Les véhicules électriques et hybrides tiendront évidemment le haut du pavé, mais les petits modèles seront aussi les vedettes, avec notamment la Up ! de Volkswagen, la nouvelle version de la Twingo de Renault ou encore la troisième génération de la Toyota Yaris et de la Fiat Panda.

Mais en toile de fond, il sera évidemment question du ralentissement économique et des conséquences de la crise des dettes souveraines en Europe. Certes, 2011 sera une année record pour l'industrie automobile : la production mondiale devrait atteindre, selon le cabinet de conseil PwC, 75 millions de véhicules (+ 6,1 %). Et les ventes de voitures neuves devraient dépasser les 60,1 millions d'unités, selon une étude de la banque canadienne Scotia, grâce à la demande des pays émergents (Chine, Russie, Inde et Amérique latine). Scotia prévoit que les ventes d'automobiles dans ces pays dépasseront celles des pays développés en 2013.

Malgré cette bonne santé, les constructeurs automobiles restent aux aguets. Et si l'industrie retombait dans les abysses de 2009 ? Souvenons-nous : au début de l'été, la situation était encore sous contrôle. Trois mois plus tard, c'était le début d'une longue descente aux enfers. La profession allait connaître la pire crise de son histoire." Et personne n'avait anticipé l'arrêt prolongé de ligne de production ", rappelle Flavien Neuvy, directeur de l'Observatoire Cetelem de l'automobile.

Aujourd'hui, " la question lancinante d'un retour en récession ou non est sur toutes les lèvres. Les interrogations portent aussi sur une possible crise de liquidités bancaires et donc des problèmes d'emprunt qui en découleraient ", reconnaît Yann Lacroix, responsable des études sectorielles chez Euler Hermès.

Les grandes agences de notation financière commencent à revoir à la baisse les perspectives du secteur, qui dépend étroitement de la conjoncture mondiale. Estimant" que l'affaiblissement des fondamentaux macroéconomiques devrait entraîner une diminution de la demande mondiale de véhicules au cours des douze à dix-huit mois prochains ", Moody's a décidé de ramener ses prévisions de croissance du marché automobile de 5 % à 3,5 % pour 2011 et à 6,5 % en 2012 (contre 7,4 %). " Les nuages s'accumulent à l'horizon, a indiqué à l'AFP Stefan Bratzel, professeur du Centre de l'automobile allemand de Bergisch Gladbach, mais pour l'instant de nombreux constructeurs inscrivent l'une des meilleures années de leur histoire (...) ".

Cadences de production

En Chine, où la croissance a fortement ralenti ces derniers mois, les autorités s'inquiètent déjà des problèmes de surcapacité que le pays va connaître, résultat de la multiplication des investissements des constructeurs automobiles étrangers. L'offre pourrait rapidement excéder la demande. Fin juillet, l'association des distributeurs automobiles chinois a émis un avertissement, estimant que le niveau des stocks des constructeurs était beaucoup trop élevé. Elle a critiqué le fait que les constructeurs n'appliquaient pas de baisse de cadences de production alors que les ventes de véhicules reculent depuis la fin 2010. Au premier semestre en effet, le marché chinois des véhicules particuliers n'a augmenté que de 6 %. Bien loin des taux à deux chiffres affichés ces dernières années. " La situation est identique en Inde ou encore au Brésil, où l'on arrive à des paliers depuis deux ou trois mois ", avertit M. Lacroix.

Encore traumatisés par la crise dont ils n'avaient pas anticipé la violence, les groupes automobiles restent prudents. Pas question de se laisser surprendre comme en 2008. Chez Renault, par exemple, on se dit attentif, sans doute " plus qu'avant. On scrute le moindre signal montrant que le vent pourrait tourner. Nous suivons continuellement la situation des commandes de véhicules pour déterminer le niveau de production future et bien veiller à ce que le niveau de stock soit en ligne avec la demande ".

Le groupe affirme néanmoins que " pour l'instant, rien ne montre que l'industrie est de nouveau en crise ", et il maintient ses objectifs. Chez PSA Peugeot Citroën, on affirme être attentif : " Depuis 2008, l'environnement est incertain. Nous sommes sans aucun doute beaucoup plus vigilants pour anticiper le moindre signe qui aurait un impact sur notre industrie ".

Surtout, les constructeurs affirment avoir retenu les leçons de la crise de 2008 : au-delà d'une gestion millimétrée de leurs stocks, ils ont aussi appris à mettre de côté de l'argent liquide au cas où les banques fermeraient le robinet du crédit. Reste l'outil de production. Certes, ils ont fermé ici ou là des lignes dans leurs usines. Mais à la différence des Etats-Unis, aucune usine n'a fermé en Europe, hormis celle d'Opel à Anvers. En cas de rechute des volumes, les constructeurs devront peut-être, cette fois-ci, s'attaquer réellement aux problèmes des surcapacités. Autrement dit : fermer des usines.

Nathalie Brafman

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