Renault transforme son ingénierie à marche forcée

Publié par Rédacteur

L'usine Nouvelle 20 octobre 15 heures

Renault doit vendre d’ici à la fin de l’année le Technocentre de Guyancourt (Yvelines) pour en devenir locataire, et diminue d’un quart la surface qu’il y occupe. Une conséquence du télétravail et du besoin, pour le constructeur, de récupérer du cash. Mais le symbole est fort : la fin d’une époque, celle d’une ingénierie toute-puissante, cœur du réacteur Renault.

Selon la direction, l’effectif de l’ingénierie est passé de 6 800 fin 2017, à 5 700 mi-2022. Il va continuer à diminuer puisque, après un premier accord d’entreprise actant 1 150 départs dans l’ingénierie en 2020 et 2021, un second prévoit 1 300 suppressions de postes entre 2022 et 2024. S’il n’a pas été compliqué de trouver des volontaires pour la première rupture conventionnelle collective, Renault a du mal à atteindre ses objectifs pour la deuxième, pointent les syndicats. « On a atteint les limites du process, estime Cyril Mézière, délégué syndical central CFE-CGC. La direction ne souhaite pas améliorer les conditions financières des départs. Peut-être a-t-elle besoin de moins de départs que prévu ? »

La première rupture conventionnelle s’est traduite par trop de départs dans certains métiers et trop peu là où la direction le souhaitait. « Gilles Le Borgne [le directeur de l’ingénierie, ndlr] a décidé de faire vite, au vu de la situation financière, mais on risque de perdre des compétences clés, poursuit Cyril Mézière. Les ingénieurs achats connaissent un turnover élevé, les anciens d’Intel, repris dans Renault Software Labs, sont nombreux à partir... »

« Changer de métier »

Renault semble moins intéressé, aujourd’hui, par une diminution de l’effectif de l’ingénierie, que par l’impératif renouvellement de ses compétences. La direction de l’innovation compte garder en France la R & D dédiée au cœur de la valeur du futur véhicule Renault, l’électrique, quitte à envoyer hors d’Europe ce qui touche au thermique. Début septembre, la CGT s’est d’ailleurs alarmée de la scission annoncée du groupe en deux entités, thermique et électrique, craignant une hémorragie dans les métiers du thermique.

Parallèlement aux départs, le constructeur a prévu d’embaucher environ 600 ingénieurs entre 2020 et 2024. Le plan Renouveau France 2022-2024 planifie 12 000 formations et reconversions, qui ont démarré doucement. Au Technocentre, il y a encore beaucoup de passionnés qui ne travaillent que sur le thermique. « Il va falloir qu’ils acceptent de changer de métier », reconnaît un cadre de l’entreprise, pas mécontent de voir l’ingénierie se préoccuper enfin, comme la production, de productivité. Cyril Mézière s’inquiète : « L’entreprise ne va pas assez vite dans la reconstitution des compétences dont elle a besoin, sans doute parce que le reskilling, le changement de métier, demande des formations longues, donc du cash. »