Les grèves dans l'automobile en Turquie : plus rien ne sera comme avant

Publié le par Metin Feyyaz

Metin Feyyaz, militant et camarade en Turquie, nous a adressé cette description  et cette  analyse des grèves se développant actuellement dans l'automobile. En date du 23 mai 2015, ce document décrit notamment  le démarrage et le déroulement de la grève dans l'usine Renault de Bursa.
La Turquie, « Chine de l'Europe »
Depuis longtemps, le nouveau président Erdogan, ex premier ministre,  parle de son  rêve de transformer la Turquie en « Chine de l'Europe». Au mois d'avril dernier,   lorsque le ministre de l'économie, Zafer Çağlayan, a rencontré des investisseurs étrangers à Londres, il a déclaré avec fierté que «le coût du travail en Turquie est encore plus faible qu'en Chine". Bien avant celle-ci, une déclaration similaire avait déjà été faite  par le responsable de la Chambre de Commerce de Berlin. Lors d'une réunion avec le patronat turc en 2010,  Eric Schweitzer avait indiqué : « les exportations de la Turquie vers   l'Allemagne ont triplé ces 20 dernières années et la Turquie peut être la Chine de l'Europe ».  Et ce n'étaient pas de mots simplement destinés à satisfaire leur auditoire.
L'industrie en Turquie est en croissance constante alors que le reste de l'Europe est aux prises avec les résultats de la crise économique et de ses faux remèdes fondés sur  des politiques d'austérité. Ce changement s'observe particulièrement dans le domaine de la production industrielle. Aujourd'hui, la Turquie est le 8ème plus grand producteur d'acier du monde, et sa croissance dans les années 2011 et 2012 fut la plus rapide parmi les 10 premiers pays producteurs d'acier dans le monde.
Presque chaque constructeur  automobile mondial majeur possède une usine de production en Turquie et ils sont en train de migrer  partiellement leur  production européenne vers la Turquie.  Entre  2009 et 2014, l'emploi dans les usines d'assemblage automobiles en Turquie, a été multiplié par 3,5. Au cours des  7 premiers mois de 2014, Renault, Hyundai, et les usines de Toyota en Turquie ont exporté 80 % de leur production, Ford 75 %, et MAN 85 %. Le plus grand marché d'exportation pour ces produits est encore l'Europe bien qu'il y ait une baisse de la demande en raison de la crise.  FIAT, qui ferme des unités de production en Italie, vient de déclarer que jusqu'en 2021 il allait exporter  175 000 voitures Fiat Doblo de la Turquie vers les États-Unis. Il est possible de fournir  de nombreux autres exemples de ce genre.
Mais cette activité  rentable pour les capitalistes a un coût  pour les travailleurs. Le salaire minimum en Turquie est d'environ 330 euros et n'y est pas une exceptionnel. Il est au contraire assez fréquent, même pour les travailleurs qualifiés. Selon une étude récente, plus de 5 millions de personnes travaillent avec le salaire minimum. La Turquie a le taux le plus élevé de décès occasionnés par les  accidents du travail de toute l'Europe et la troisième place dans le monde entier. Selon les statistiques officielles, chaque année plus de 1000 personnes meurent au travail, ceci étant seulement le chiffre officiel ; de nombreux travailleurs n'étant pas enregistrés, il n'y a aucun moyen de savoir le nombre réel. Une organisation non gouvernementale  a établi une liste de 1 886 travailleurs   morts dans des accidents du  travail seulement en 2014. Et dans les dernières années,   la  "sous-traitance" a connu une croissance très importante entraînant une nouvelle précarité  pour des travailleurs avec moins de droits dans une même usine. Dans une seule usine, on peut  trouver jusqu'à 5 ou 6 entreprises différentes employant  des travailleurs faisant  exactement le même travail, mais avec des contrats et des conditions différents.
Mais, inorganisé et sans sécurité d'emploi, ce «paradis du travail pas cher» pour le  grand capital ne lui suffit pas.  Le gouvernement a publié un document intitulé «Stratégie nationale pour l'emploi ». Il y est écrit  « les coûts de main-d'œuvre autres que les salaires sont trop élevés en Turquie. Afin d'augmenter l'emploi, les charges des employeurs doivent  être revues et de nouvelles dispositions mises en place ». Certaines d'entre elles  sont détaillées :  introduction d'un salaire minimum régional (ce qui signifie salaire inférieur au minimum pour certaines régions du pays), de nouvelles règles pour les indemnités de licenciement  qui en divisent par deux le montant actuel, et autour de nouvelles agences d'intérim d'autres mesures développant la flexibilité.
Le rôle du syndicat jaune Türk Metal
En Turquie, la  grande majorité de la main-d'œuvre est inorganisée. La proportion des travailleurs appartenant à un syndicat  est de 5 %, ce qui  constitue le plus faible taux de syndicalisation parmi les pays de l'OCDE. Et la majorité de ces syndicats sont pratiquement des « syndicats jaunes » qui n'ont pas été choisis par les adhérents mais imposés.
De temps en temps, il y a des soulèvements contre ce système de «syndicalisme jaune». Après l'énorme massacre de la mine de Soma, où 301 travailleurs de la mine ont perdu leur vie l'année dernière, le syndicat « officiel » de la mine  n'a même pas pu pendant un certain temps se rendre sur place en raison des réactions des familles des travailleurs. Dans une interview donnée par l'un des travailleurs de la mine de Soma à la chaîne Al Jazeera, il déclara :  « Nous n'avons pas choisi ce syndicat, c'est l'employeur qui l'a choisi, maintenant que l'employeur est en  prison suite ces centaines de morts,  le syndicat devrait y être aussi ».
En 2012, pendant les négociations des conventions collectives, afin de protester contre le syndicat auquel ils ont été contraints de rejoindre, 1500 ouvriers de Renault de l'une des équipes arrêtèrent la production et ne quittèrent pas l'usine.  Afin d'empêcher les  travailleurs cette équipe de rencontrer d'autres travailleurs de l'équipe suivante, la direction de Renault annula l'équipe suivante. Et plus tard, ils licencièrent  35 travailleurs afin d'arrêter les actions revendicatives.  Le syndicalisme jaune est très répandu  dans le secteur de la métallurgie. Selon les statistiques officielles, il y a 1 400 000 travailleurs dans la métallurgie  en  Turquie, et 170 000 d'entre eux sont membres de Türk Metal le syndicat jaune qui s'est construit et  renforcé pendant les années de la junte militaire au pouvoir en Turquie dans les années 1980.
Le refus en janvier 2015 de la convention collective acceptée par le syndicat jaune  Türk Metal
C'est dans ce contexte que les négociations collectives dans la métallurgie ont eu  pour la période 2014-2016 / 2017  ont commencé.  Les négociations  ne sont organisées que pour les entreprises où syndicats de salariés et organisation patronale sont représentés. Dans  les usines  ils sont représentés, trois syndicats négocient séparément avec l'association des employeurs de la métallurgie, le MESS. Ce processus de discussion aboutit à des conventions collectives qui couvrent environ 120 000 travailleurs, ce qui représente une petite partie de l'effectif total, 8,5 % des travailleurs de la métallurgie du pays. Particularité de la Turquie, les conventions collectives se décident et s'appliquent entreprise par entreprise.
Et environ 100 000 de ces travailleurs sont «représentés» par Türk Metal et une minorité d'environ 12 000 travailleurs par Birlesik Metal IS, syndicat aux positions marquées « à gauche » et   opposé à la convention collective imposée par le patronat. Chaque année, Birlesik Metal Is organise des actions revendicatives,  mais l'accord qui s'applique à la fin est celui que le patronat décide avec le syndicat jaune Türk Metal.  L'acteur   principal dans ce soi-disant «processus de négociation collective » est toujours le  syndicat jaune.
Tout le monde s'attendait à ce que le processus de négociation collective se déroule   de la même manière cette année. Les premiers syndicats  ont déposé leurs revendications,  et  Birlesik Metal Is a exigé un ré ajustement des salaires des travailleurs les plus jeunes, car en général, il y a un écart énorme entre les salaires des travailleurs âgés et des jeunes travailleurs dans la plupart des lieux de travail métalliques syndiqués en Turquie .  Un travailleur plus jeune qui fait le même travail que son collègue plus âgé, peut parfois ne gagner que la moitié de son salaire. Alors  que  le patronat de la métallurgie veut toujours appliquer des augmentations de salaires en pourcentage,  cela accroissant les écarts de salaires,  Birlesik Metal demande des augmentations de salaire   différenciées selon les niveaux de salaires.
Au  cours de ces négociations, l'Union des employeurs de la métallurgie a avancé ses propres propositions : introduire de nouvelles mesures de flexibilité, augmenter  la durée d'application de la convention collective de 2 ans à 3 ans, et aucune mesure particulière  pour les bas salaires. Après quelques réunions, le plus grand syndicat et un autre très petit syndicat signèrent l'accord de négociation collective tel qu'il  il avait  été proposé par l'organisation patronale,  avec seulement quelques modifications mineures. Si les employeurs  n'ont pas maintenu  leurs demandes pour une plus grande flexibilité, ils ont  insisté et obtenu une augmentation de la durée passant de 2 à 3 ans.  Afin de « vendre »ces  3 ans, ils ont accordé une augmentation  en pourcentage de 9,78 % pendant les prochains 6 mois. Si  les travailleurs âgés ont pu en être satisfaits,  les jeunes travailleurs à bas salaire , qui représentent de 60à 70 % de l'effectif total dans les usines, n'y ont pas du tout trouvé leur compte.
Türk Metal a signé rapidement l'accord, leurs  adhérents n'ayant pas été avertis des détails de l'accord.  Le syndicat a  annoncé seulement l'augmentation des salaires pour les six prochains mois, et a ensuite essayé d'éviter toute discussion  Mais ce projet d'accord a créé un énorme mécontentement chez Metal Birlesik. La principale objection pour la plupart des travailleurs était la durée d'application de l'accord. La Turquie connaît  des taux d'inflation élevés, supérieurs à 7% en 2014, et une  situation économique assez instable : pour la majorité des travailleurs, 3 ans est une durée trop longue pour des prévisions. Alors que la discussion  de chaque convention collective est l'occasion d'obtenir des « plus » par rapport à l'inflation, passer de 2 à 3 ans diminue cette possibilité, ce qui veut dire une perte nette.   Bien que le mécontentement le plus visible se soit manifesté sur cette question de la durée de  l'accord, la vraie raison du  mécontentement de  la plupart  travailleurs tient au fait qu'il n'y avait  aucune amélioration réelle pour les travailleurs à bas salaires.
Dans la majorité de l'industrie en Turquie, mais en particulier dans la métallurgie  , il y a un écart de rémunération important entre les jeunes travailleurs et les travailleurs âgés.  Un travailleur qui a commencé à travailler après 2005 peut  avoir un salaire inférieur de moitié à ce que gagne un travailleur qui a commencé avant 2000. Cette situation crée une tension énorme pour les travailleurs les plus jeunes. Leurs salaires sont si bas qu'ils  ne peuvent pas voir un avenir pour eux-mêmes. Comme ils ne peuvent pas vivre avec ce salaire, perdre son emploi n'est pas d'une importance trop grande. Ils n'ont rien   à craindre ou à perdre. Cela fait d'eux la partie la plus militante de leur classe. Cette génération de travailleurs représente près de 60 %de la main-d'œuvre. Ce pourcentage pourrait être encore plus  élevé au sein de Metal Türk,  organisé dans les grandes usines, là où il y a le plus de turn over. C'est pourquoi  cette nouvelle génération de travailleurs ne pouvait pas  accepter un accord ne comportant aucune  disposition  pour réduire cet écart salarial. Bien que ce ne fut pas le plan   de la direction du syndicat Birleşik Metal, la base a mis tellement de pression au cours des assemblées que la direction du syndicat   fut forcée de décider d'une  grève dans cette période de négociation collective.
La grève a commencé par un grand  succès le 29 Janvier réunissant  15 000 travailleurs dans environ 50 usines dans tout le pays. Dès  le premier jour de la grève, des grandes entreprises ont commencé à démissionner de l'Union des employeurs de la métallurgie pour  signer des accords locaux avec le syndicat présent dans l'usine. Parmi elles, des  multinationales comme Alstom, Schneider, Bekaert etc. Au  deuxième jour, le gouvernement est intervenu et a publié un décret gouvernemental interdisant  la grève pour raison de «sécurité nationale». Juste après la publication du décret, les employeurs déclarèrent deux jours de congés  pour tous les travailleurs  afin de calmer leur colère. Mais cela n'a pas suffi à les calmer  et bien que  travailleurs aient été forcés de retourner sur  leurs lieux de travail, ils n'ont pas effectué de production. Cela s'est terminé par des  protocoles signés localement avec ces employeurs qui donnaient des avantages supplémentaires par rapport l'accord initial de l'Union des employeurs de la métallurgie.

Le démarrage de la  grève chez Renault
Mais pour la majorité du secteur constitué d'usines organisées par Türk Metal , la question  des bas salaires n'avait  pas été abordée et la colère était prête à exploser. A  la fin du mois d' avril, les ouvriers de Renault ont commencé à manifester à la fin et au début de chaque équipe. Peu de temps après,  ces manifestations se sont produites  dans presque dans toutes les usines automobiles de  la région de Bursa. La principale cause de cette explosion était que  Türk Metal avait signé une meilleure convention collective chez  Bosch et signé de plus mauvaises dans d'autres usines.  Le contrat signé chez Bosch était meilleur  parce que les travailleurs de Bosch avaient  il y a 3 ans démissionné du syndicat jaune, Türk Metal et rejoint un autre syndicat. Mais à coups de licenciements et de pression leur employeur Bosch les avaient ensuite obligé à retourner à Türk Metal. Aussi, afin d'éviter tout nouveau mécontentement et toute  démission,  Bosch et  Türk Metal  ont  signé un contrat beaucoup plus favorable. Mais ce qu'ils n'avaient pas prévu,  c'est que cela allait créer  un  mécontentement encore plus grand dans les autres usines.
Le 18 Avril, les travailleurs de Renault  commencèrent  leurs manifestations à la fin de l'équipe  en scandant «nous ne voulons pas de syndicat qui nous vende». Et après cela, ils ont organisé à la fin et au début de chaque équipe  des manifestations contre le syndicat  Türk Metal. Alors que ces manifestations entraînaient plus de la moitié des travailleurs,  ils ont déclaré au président du syndicat local : « vous nous vendez » celui-ci répondant «si je vous ai vendu, cela signifie que je suis un bon proxénète ». Cela changea la suite des événements car ce sont alors  tous les travailleurs de l'usine qui se joignirent aux manifestations.
Renault Bursa emploie environ 4 800 ouvriers. C'est une énorme usine et la plupart des travailleurs ne se connaissent pas entre eux.  Il n'y a pas de canal de communication organisé entre les travailleurs des différents départements. C'est pourquoi   Internet, et notamment Facebook ont joué un rôle important dans l'organisation de ces manifestations. Et encore une fois avec l'utilisation de Facebook, d'autres travailleurs de la région de Bursa ont également organisé des manifestations sur leurs lieux de travail.
 Le 5 mai, les  travailleurs de Renault décidèrent  de se réunir en face de la mosquée de la zone industrielle afin de démissionner collectivement de Türk Metal.    Des voyous  de Türk Metal ont alors  attaqué ce rassemblement.  Un travailleur a été hospitalisé.  Après cette attaque, la détermination des ouvriers de Renault devint encore plus forte. Les travailleurs encore affiliés à Türk Metal dans d'autres usines de la région manifestèrent une colère grandissante contre cette organisation. Les travailleurs de Tofaş, la filiale FIAT en Turquie, ont organisé une manifestation massive contre leur représentant de  Türk Metal qui était allé devant l'usine Renault  pour y agresser les   ouvriers. Pendant la manifestation les travailleurs  scandaient « Viens ici et ose nous agresser » .  Depuis lors, les représentants de ce syndicat jaune n'ont plus été capables de rentrer dans l'usine.
Ces manifestations troublaient de plus en plus les employeurs qui réfléchissaient aux  mesures à prendre pour y mettre fin. Au début, pour essayer de menacer les travailleurs, l'encadrement de  Renault leur distribua une lettre pour les avertir que «leurs manifestations perturbent le travail, constituent un crime et que seront licenciés ceux qui poursuivent ces actions ». Ces menaces ont inquiété,  surtout parmi les ouvriers de Renault qui se souvenaient  que 30 travailleurs avaient  été licenciés en 2012 simplement parce qu'ils avaient protesté contre ce syndicat jaune. Ayant peur du licenciement, ils ont commencé à discuter entre eux de cette question, et  ont décidé que si le badge de quelqu'un ne fonctionnait plus  à l'entrée dans l'usine, bloquant son entrée, tout le personnel quitterait l'usine et  attendrait dans la cour.
Pendant plusieurs jours, les travailleurs ont attendu en face de l'usine jusqu'à l'arrivée du dernier bus de service pour pénétrer tous ensemble dans l'usine. Le 6 mai, à l'arrivée de l'équipe de nuit  –-de minuit à 8heures-, les badges de certains n'ont pas fonctionné bloquant leur entrée.  Toute l'équipe de l'usine a alors  quitté l'usine, et des  travailleurs d'autres équipes et d'autres usines de la zone industrielle se sont rendus devant l'usine, attendant  dans la cour. Aux environs de 4 heures du matin, la direction a déclaré, devant les 2000 ouvriers rassemblés à cette heure dans la nuit,  que tous les travailleurs licenciés seraient réintégrés, que chacun était libre de rejoindre ou non le syndicat de son choix, qu'il n'y aurait aucun licenciement pour motif de syndicalisation, et demandait d'attendre 15 jours pour obtenir une réponse sur la question des augmentations de salaires.
Après cette déclaration, tous les travailleurs retournèrent travailler mais cela leur a montré combien ils sont forts, et qu'ils peuvent agir ensemble avec plus de confiance en soi et de courage.
Les démonstrations ont  continué dans la région de Bursa  dans presque chaque usine contrôlée par Türk Metal, les travailleurs démissionnant massivement de ce syndicat jaune.  Le 13 mai, la direction de Renault annonça à tous les salariés  que le lendemain 14 mai,  avant chaque prise d'équipe,  le directeur général organiserait  une réunion avec les travailleurs et il était demandé à chacun d'arriver plus tôt pour cette réunion.  Les premiers travailleurs de l'équipe 8 heures – 16 heures  assistèrent à cette réunion pour entendre le directeur général de l'usine leur annoncer  : « Il n'y aura pas d'augmentation de salaires et si il y a de nouveaux arrêts de travail,  des licenciements seront prononcés ». Les travailleurs ont protesté contre ces annonces  et allèrent travailler.  Lorsque les travailleurs de l'équipe 16 heures -  24 heures sont  arrivés à l'usine, ils n'assistèrent pas à la réunion de la direction et à la fin de leur équipe à minuit, ils ne quittèrent pas l'usine. L'équipe suivante qui arrivait ne pénétra pas dans l'usine.  Depuis ce moment, les travailleurs de cette équipe sont à l'intérieur de l'usine et il n'y a plus de  production.
L'extension du mouvement à l'automobile et la métallurgie.
Le lendemain, les travailleurs de Tofaş (FIAT) se joignirent à eux. Ils ont également arrêté la production et ne quittèrent pas l'usine. Ensuite, les travailleurs d'autres usines   comme Mako Magneti Marelli, Johnson Controls, Coşkunöz  fournisseurs pour l'industrie automobile à Bursa les ont rejoints. En une semaine, ces grèves  sauvages contre le syndicat jaune et pour des augmentations de salaires supplémentaires se ont élargies à des  usines automobiles dans d'autres villes. Ford et Türk Traktor (Case New Holland) se joignirent à eux aussi.
Ces manifestations et ces  grèves, se sont toutes  développées  de façon spontanée alors qu'il  y a une très faible communication entre les travailleurs de différentes usines, ceux-ci  communiquant principalement par facebook. Cela crée trop de confusion et de possibilités pour des manipulations par les employeurs.
Les ouvriers de Renault sont probablement les mieux organisées : dans chaque UET (de petites unités de production selon le vocabulaire Renault qui se composent d'environ 20 travailleurs) il y a un représentant.  Dans chaque  département, réunion d'UET, les porte parole de chaque équipe désignent un représentant. Avec  8 départements dans l'usine, il y a 8 délégués porte parole au plan de l'usine. Après un temps, la direction de l'usine Renault a été contrainte d'accepter ces délégués et a commencé de discuter avec eux. Le gouverneur de la région de Bursa les a rencontrés et Renault leur a  fait plusieurs offres de négociation. Chaque fois, les délégués sont retournés dans l'usine et demandé aux travailleurs ce qu'ils acceptaient ou non.
Simultanément,  des menaces de licenciement et d'arrestation ont aussi été utilisées. Les directions des usines Renaut et Tofaş ont porté devant la justice  des accusations criminelles contre des travailleurs, et le   procureur a fait citer les  délégués d'usine pour leurs témoignages. Jusqu'à présent, même sous cette pression,  les travailleurs n'ont pas plié devant  ces menaces.
A la suite des arrêts de travail chez Renault à  Bursa, les usines Renault de  Flins et du  Mans, de Dacia en Roumanie et probablement l'Espagne seront bientôt affectées et devront s'arrêter bientôt.  Cette situation met la direction de Renault dans une position difficile, car à l'heure actuelle, la  Renault Clio 4, l'un des meilleurs modèles de vente de la marque, n'est plus  produite.  Voilà pourquoi la direction de Renault, est prête à donner ce que les travailleurs revendiquent, mais l'Association des employeurs de la métallurgie ne la laisse pas faire car  dans ce cas, la convention collective devrait être modifiée dans toutes les usines de la métallurgie de Turquie.
Une telle situation s'était déjà produite en 1998 contre le syndicat jaune Türk Metal alors que   les directions des entreprises avaient  réussi à contenir la situation avec quelques fausses promesses aux travailleurs  pour procéder à des licenciements massifs par la suite Cette fois, les travailleurs semblent avoir beaucoup appris de ces expériences passées. Ils  ne laisseront pas licencier un seul  de leurs collègues et  ils ont réussi à construire des  grèves sauvages très importantes avec un mouvement d'occupation d'usines dans tout le pays.
Bien sûr, les entreprises vont d'un côté essayer de faire en sorte que leur production continue et de l'autre chercher les moyens de contenir la situation pour  rétablir l'ordre  dans toute la métallurgie. Elles  savent qu'elles  doivent trouver maintenant un compromis  avec leurs travailleurs,  mais à moyen terme, ils vont  également essayer de réprimer à nouveau à travers des licenciements de dirigeants de ce mouvement, et en essayant de ramener Türk Metal ou de construire un autre syndicat jaune. Mais il y a aussi une autre chose qui est clair : quel que soit le résultat des  manifestations et grèves actuelles, une  génération de nouveaux  jeunes travailleurs de la métallurgie sans avenir  occupe le devant de la scène. Leur expérience réussie nous assure que plus rien ne sera comme avant.  

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Publié dans Renault, Monde

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