Volkswagen et son nouveau président : l'envers du décor de la corruption

Publié le par NPA Auto Critique

Le journal Le Monde fait l'éloge du nouveau président de Volkswagen, Berthold Huber, un ancien responsable de la fédération de la métallurgie du syndicat allemand, IG Metall. Derrière ces louanges sans réserve, il y a l'envers du décor. En janvier 2012, ce blog NPA Auto Critique avait publié un document titré ainsi.

Quelques élements du dossier publié en 2012

2007. La paix sociale a un coût : 2,6 millions d'euros. Soit la somme que Peter Hartz, ancien directeur des ressources humaines de Volkswagen, a reconnu avoir versé à Klaus Volkert, figure du syndicat IG Metall et ancien président du comité d'entreprise du constructeur automobile allemand, à travers diverses primes, pour payer des prostituées et des voyages exotiques. Cette affaire de corruption, qui ternit l'image du système de cogestion à l'allemande, a valu à Peter Hartz d'être condamné le 25 janvier à deux ans de prison avec sursis et à une amende de 576 000 euros. Klaus Volkert, quant à lui, a été renvoyé devant les tribunaux pour incitation à l'abus de confiance, au même titre que l'ancien directeur du personnel, Klaus-Joachim Gebauer, accusé de complicité. (Alternatives Economiques n° 257 - avril 2007)

2010 : Les syndicats renoncent à des hausses de salaire en échange de garanties sur l'emploi jusqu’en 2014. « C'est un bon résultat », s'est félicité le chef du syndicat IG Metall, Berthold Huber, « avec un partage des sacrifices justes ». En échange, le constructeur prévoit une amélioration de la productivité de chaque site, de l’ordre de 10% par an et l’introduction d’une composante variable dans la rémunération, liée à la performance.

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Le Monde 5 mai 2015

Berthold Huber, le syndicaliste devenu président de Volkswagen

Cet ex-numéro un du syndicat IG Metall est président par intérim du conseil de surveillance du constructeur automobile.
L'affiche est inédite dans l'histoire du capitalisme allemand. Mardi 5  mai, l'assemblée générale des actionnaires du groupe Volkswagen, première entreprise allemande, sera présidée par… un syndicaliste. Berthold Huber, ancien président du puissant syndicat IG Metall, est président par intérim du conseil de surveillance du groupe depuis le 25  avril, quand Ferdinand Piëch, qui occupait ce poste depuis treize ans, a brutalement démissionné au cours d'une guerre des chefs sans précédent dans l'histoire du groupe de Wolfsburg.
Un syndicaliste peut-il contrôler Volkswagen ? Si la question peut sembler iconoclaste, personne en Allemagne n'a songé à s'en émouvoir : au pays de la cogestion, les représentants du personnel ont une place importante dans les conseils d'administration et il n'est pas rare qu'ils en occupent la vice-présidence. C'est le cas chez Volkswagen, où les représentants des salariés occupent la moitié des sièges de l'instance de contrôle. Au sein du second constructeur automobile mondial, aucune décision ne se prend sans l'aval du président du comité d'entreprise…
Il arrive ainsi que certains syndicalistes jouissent d'un pouvoir exorbitant. Berthold Huber est de ceux-là. A l'apogée de son pouvoir, en  2012, l'ancien président du syndicat IG Metall était membre du conseil de surveillance de Porsche, vice-président de ceux d'Audi, de Siemens et de Volkswagen, quelques-unes des plus grosses entreprises allemandes en termes de capitalisation boursière. Une situation sans équivalent chez les managers allemands. S'il a aujourd'hui quitté la présidence du syndicat, Berthold Huber a conservé son mandat chez VW et reste considéré comme un des hommes les plus influents du capitalisme outre-Rhin.
Né en  1950 à Ulm, d'un père ingénieur, dans une fratrie de sept enfants, il a fait toute sa carrière chez IG Metall, après un apprentissage de mécanicien outilleur. Longtemps responsable de la politique tarifaire puis directeur de la puissante fédération du Bade- Wurtemberg, il prend en  2007 la direction du syndicat aux 2,3  millions de membres. Il est aussi un membre influent du Parti social-démocrate (SPD).
Méthode pragmatique
Malgré son air triste et son piètre charisme, Berthold Huber est un partenaire redouté des patrons, impitoyable dans la négociation. La crise économique de 2008-2009 consacre son pouvoir. Après l'éclatement de la crise financière, il empêche une grande vague de grèves de se déclencher en Allemagne, quand les salariés comprennent que le choc sera terrible. En  2009, il suggère au gouvernement l'instauration d'une prime à la casse, vitale pour le maintien de l'industrie automobile, colonne vertébrale de l'économie allemande. Avec les patrons, il négocie le chômage partiel et le gel des salaires en échange du maintien des emplois. C'est ce qui permettra à l'Allemagne de sortir gagnante de la crise économique dès 2010.
Ce pragmatisme est la marque de fabrique de Berthold Huber. Une méthode qui lui vaut la critique de l'aile gauche du syndicat, mais qui a permis au syndicat IG Metall de sortir de plusieurs années de décadence politique et organisationnelle. Là où son prédécesseur, Jürgen Peters, voyait dans IG Metall un contre-pouvoir radical de gauche qui devait intervenir dans tous les débats sociaux du pays, Berthold Huber le recentre sur son cœur de métier : le pouvoir dans les comités d'entreprise. Il parvient en  2011 à enrayer la chute vertigineuse des adhésions au syndicat et conforte ainsi son rôle central dans les négociations salariales en Allemagne. IG Metall négocie les rémunérations de 3,7  millions de travailleurs outre-Rhin.
Son mandat inattendu de président du conseil de surveillance de VW sera peut-être le plus délicat de sa carrière. Car Ferdinand Piëch, le patriarche démissionnaire, n'entend pas renoncer à influer sur le cours de VW, dont il détient 14  % du capital. A charge au syndicaliste Berthold Huber d'arbitrer la guerre des chefs pour la succession à la tête du groupe dans une entreprise symbole de la codécision, à la fois bastion et vitrine d'IG Metall en Allemagne.
Cécile Boutelet

 

Volkswagen et son nouveau président : l'envers du décor de la corruption

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