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Publié par NPA Auto Critique Le Monde 13 mai 2022

 

Une découpe chirurgicale plutôt qu’un grand coup de hache… Le groupe Renault a précisé, jeudi 12 mai, les contours de son projet de séparation de ses activités véhicules électriques et motorisations thermiques qui avait été évoqué, en février, lors de la présentation des résultats 2021, puis confirmé, lors d’interventions publiques récentes, par le directeur général de Renault, Luca de Meo, et par son directeur financier, Thierry Piéton.

Le projet, présenté lors d’un comité social et économique aux représentants des salariés, prévoit la création de deux « entités », l’une, nom de code Ampère, « dédiée au développement, à la production et à la commercialisation de véhicules électriques », l’autre, baptisée Horse, qui aura pour objet le « développement et la production de moteurs et boîtes de vitesses thermiques et hybrides de nouvelles générations E-Tech ». Ces entités autonomes devraient être constituées à horizon 2023 et chacune impliquerait 10 000 salariés. Tout ceci est encore au niveau de l’étude, précise la direction.

Au regard des effectifs du groupe français – 157 000 salariés dans le monde, dont 45 000 en Russie, que le groupe cherche à quitter depuis le début de la guerre en Ukraine, le 24 février –, le projet consiste davantage à détourer des activités précises plutôt qu’à opérer une scission du groupe en bonne et due forme. Quatre salariés sur cinq (si on enlève la Russie) continueront à être dans le tout-venant du groupe Renault, avec des activités-clés comme l’animation des marques, les véhicules utilitaires, l’assemblage des voitures thermiques, les châssis, Alpine et la partie sportive…

Convalescence financière

Alors, à quoi ressemblera le nouveau découpage ? Commençons par la partie électrique. Le groupe tricolore confirme son « choix stratégique d’ancrer la production des principaux composants de la chaîne de la valeur de la mobilité électrique en France ». Seront intégrées dans cet ensemble les activités de recherche et développement (R&D) et d’ingénierie liées à l’électrique et aux logiciels. Les principaux sites concernés sont le Technocentre de Guyancourt (Yvelines), le centre d’essais de Lardy (Essonne) et les Renault Software Labs de Toulouse et Sophia Antipolis (Alpes-Maritimes).

 

S’y ajouteront les productions électriques réalisées à l’usine de Cléon (Seine-Maritime) pour la motorisation et au pôle ElectriCity des Hauts-de-France, autour de l’usine d’assemblage de Douai. L’autre entité, celle des moteurs thermiques et boîtes de vitesses, est située hors de France. La R&D sera pilotée depuis l’Espagne, la Roumanie, la Turquie et le Brésil. Les usines concernées sont à Valladolid et Séville (Espagne), Cacia (Portugal), Bursa (Turquie), Pitesti (Roumanie), Curitiba (Brésil), Los Andes (Chili) et Cordoba (Argentine).

Renault, qui compte sur sa performante technologie hybride E-Tech, affirme sa « conviction que les véhicules thermiques, hybrides et hybrides rechargeables bénéficient de perspectives et de débouchés de long terme ». Le but de ce découpage est de redonner des marges de manœuvre financières à Renault, convalescent financièrement en 2021 après sa perte de 8 milliards d’euros en 2020 et empêtré dans le piège russe, qui le contraint à provisionner 2,2 milliards d’euros ce premier semestre.

L’entité électrique a vocation à être cotée séparément, a confirmé Luca de Meo, mercredi 11 mai, lors d’un déplacement au Japon, ajoutant que le constructeur français allait proposer à ses partenaires Nissan et Mitsubishi Motors d’investir. L’idée est de profiter de l’attrait de la Bourse pour les acteurs 100 % électriques, comme Tesla. Quant à la partie thermique, elle pourrait s’adosser à un partenaire. Des noms circulent : Nissan et le chinois Geely, qui vient d’acquérir 34 % de Renault-Corée.

Du côté des salariés, on oscille entre une forme de soulagement et pas mal de scepticisme. « Le projet écarte heureusement toute notion de démantèlement », relève Mariette Rih, déléguée syndicale centrale FO. « Jusqu’ici, nous avions surtout eu des informations par la presse, s’agace Jean-François Nanda, délégué CFDT. Et à nos questions sur l’avenir des activités thermiques à Cléon, au Technocentre, ou sur la pérennité du site de Lardy, qui est déjà aujourd’hui loin de sa pleine capacité, la direction répond : “Le projet est à l’étude.” Cela fait quatre ans que nous subissons des crises et des réorganisations. Et je peux vous dire qu’ici tout le monde est très inquiet. »

Eric Béziat

 

Publié dans Renault