Salon de l'automobile : les réalités de leur crise

Publié le par Blog NPA Auto Critique 5 octobre 2010

Avec ce salon de l’automobile de Paris, on oublie tout et on recommence. Les  plus grands groupes de l’industrie automobile au plan mondial ont retrouvé des profits pour leurs actionnaires, et la crise, ce serait du  passé. Démonstration serait faite de la capacité du capitalisme à dépasser ses crises et à continuer à produire comme avant le produit industriel emblématique de la deuxième partie du 20 ème siècle, la voiture individuelle.

 

La réalité est toute différente de ce conte de fées

 

Les raisons qui avaient conduit à l’irruption de la crise en 2008 sont toujours là. En Europe, en Amérique du Nord et au Japon, depuis déjà plusieurs années, le nombre de voitures possédées par habitant a atteint un maximum. L’austérité salariale qui sévit partout se rajoute. Il y a de moins en moins d’acheteurs possibles pour des voitures neuves dont le prix moyen en France a été en 2009 de plus de 20 000 euros. L’achat d’une voiture neuve y est devenue une affaire de riche « vieux » avec une moyenne d’âge de 52 ans.

 

C’est pourquoi on est loin d’être revenu en Europe aux niveaux de production et de vente d’avant crise. Les primes à la casse, qui étaient en fait des subventions publiques, ont presque partout été arrêtées. Et, comme cela était prévisible, depuis le mois de juin 2010, les baisses sont générales. Mais les profits ont bien été là pour les actionnaires

 

Comme cela est classique dans les périodes de crise du capitalisme, la sur production  a frappé tout le secteur tant en Amérique du Nord qu’en Europe. Aux Etats-Unis, les coupes dans l’appareil de production ont été considérables : près de la moitié des emplois de GM a été supprimée. En Amérique du Nord, conséquence de la fermeture de plusieurs de ses usines, GM a fait tourner les  usines encore en fonctionnement à 93% de leur capacité cette année, contre 39% l'année précédente

 

En Europe, les fermetures d’usines se sont concentrées chez les sous-traitants avec fermetures d’usines et  des suppressions d’emploi massives. Une seule usine de montage automobile a été fermée depuis 2008 en Europe, celle de GM à Anvers en Belgique, avec sa fermeture confirmée par Genaral Motors le 4 octobre et 2665 emplois supprimés.


Et l'offensive se poursuit. Les référendums chantage qui ont été organisés par General Motors à Strasbourg, Continental en Midi-Pyrénées ou Fiat en Italie visent tous à revenir sur les  droits acquis, à faire baisser les coûts salariaux et  à augmenter la flexibilité pour permettre  des temps d’utilisation plus longs des machines.

Le basculement relatif de la production et des ventes hors d’Europe et d’Amérique du Nord

 

La majorité de la production et des ventes se réalise maintenant dans les pays dits émergents, Chine, Inde et Brésil notamment. Les mêmes grands groupes capitalistes contrôlent la production mondiale et  continuent de rapatrier  leur profit vers les mêmes holdings financiers, mais le temps est fini où quelques pays impérialistes vendaient leurs produits industriels aux quatre coins de la planète. 


Il n'empêche que la production d'automobiles en Europe se compte encore en millions et que ce secteur continue de polariser les rapports de force entre classes sociales, et cela dans de nombreux pays européens.


C'est pourquoi le secteur en Europe est soumis à une nouvelle concurrence organisée par les patronats. Aux frontières de l’Europe Occidentale, se multiplient les implantations industrielles en Europe centrale et de l’Est, en Turquie et en Afrique du Nord. Ces nouvelles usines servent de base  à des exportations vers les lieux de vente et consommation des pays les plus développés. Après ses usines de Turquie, de Slovénie et de Roumanie qui exportent la majorité de leur production vers la France et d’autres pays européens, Renault construit une nouvelle implantation à Tanger qui ouvrira en 2012 et qui aura à terme une capacité de 400 000 voitures par an.

 

Le poison du nationalisme peut faire des ravages


La mise en concurrence entre les sites devient la règle. Fiat a ainsi voulu mettre  en concurrence travailleurs d’Italie et de Pologne, Renault a fait de même entre Flins et l’usine turque de Bursa. Les écarts de salaires ne sont pas la première raison  de cette mise en concurrence car la part des salaires représente  moins de 10% du prix total d’une voiture. Et il est inscrit dans les faits que les écarts de salaires vont se réduire. L’exemple des travailleurs roumains de Renault Dacia et, au printemps de la vague de grèves dans les usines automobiles en Chine,  le démontre. Même les patrons les plus obtus le prennent en compte. Ce qui en cause est un facteur bien plus politique fondé sur la volonté de diviser les travailleurs entre eux. Cette mise en concurrence généralisée des travailleurs sert d’abord à vouloir acheter soumission à l’exploitation  et paix sociale, garantes d’un meilleur profit.

 

L’externalisation de la production a bien deux facettes : la désintégration des appareils de production autour d‘un maquis d’équipementiers et de  sous traitants de rang 1 ou 2,  et leur internationalisation à coup de délocalisations et de restructurations mondialisées. Et dans les deux cas, la bataille intransigeante pour l’emploi partout où il est attaqué  doit se combiner avec la construction de nouvelles solidarités et de luttes d’ensemble tournant le dos au chacun pour soi ou au repli nationaliste.

 

Pas de miracle électrique

 

Alors que le patronat organise le démantèlement de l’appareil de production, il fait miroiter de nouvelles possibilités de développement et d’emploi. C’est aujourd’hui le moment d’une formidable opération de communication pour expliquer que l’automobile individuelle a encore un avenir, celui de la voiture électrique. Renault est à l’avant garde de...la communication, lui qui ne commencera à vendre des voitures électriques qu’un an après PSA.

 

L’automobile électrique a autant d’inconvénients pour l’environnement que le moteur à essence, car elle a besoin d’être produite par des centrales fonctionnant à l’énergie nucléaire, au charbon ou au pétrole. Et c’est pourquoi, principalement en dehors de la France, les prévisions de développement des voitures électriques sont beaucoup plus modestes. Un institut qui conseille tous les grands groupes automobiles pronostique 1% de la production en voitures électriques au plan mondial en 2016, alors que le président de Renault, seul dans son cas, annonce 10% en 2020 Un écart de un à 10, c’est quand même beaucoup. Il doit bien y avoir une arnaque quelque part.

 

Quoi qu’il advienne, si on laisse l’économie capitaliste aux postes de commandes, les voitures produites dans les vingt ans qui viennent  continueront d’être parmi les principales sources de pollution de la planète, que la pollution soit celles des moteurs à pétrole ou des centrales électriques.

 

La fabrication de voitures électriques proposée à l’usine Renault de Flins pourra fournir du travail  à quelques centaines de travailleurs, mais on est bien loin du compte si on compare avec les milliers d’emplois perdus depuis vingt ans dans cette usine. Le maintien de l’emploi ne passe pas par les fausses promesses des dirigeants de Renault mais exigerait au contraire un contrôle des travailleurs exercé depuis les ateliers sur la production, son organisation et les produits fabriqués

 

Au prix où les voitures électriques devraient être vendues, elles ne trouveront des acheteurs et des utilisateurs  que s’il y a des subventions. de la part de l’état. Et l'argent public, faut-il le dépenser pour les riches urbains qui pourraient se payer une voiture électrique individuelle, ou bien pour la priorité aux transports collectifs ? Chantage à l’emploi, privatisation des profits et  socialisation des pertes, c’est la vieille chanson que nous ressort Renault en la matière.

 

L'emploi, il faut le contrôler et l'imposer

 

L’industrie automobile peut bien se  repeindre en vert pâlichon, mâtiné de bleu électrique : elle est porteuse de suppressions de dizaines de milliers d’emplois et d’un avenir qui conjugue ségrégation urbaine et sociale. Les contes de fées racontés à l’occasion de ce salon de l’auto sont là pour nous endormir et empêcher la résistance des travailleurs.

 

L’emploi, il faut l’imposer. Les manifestations de  Ford Blanquefort le 2 octobre et de la métallurgie CGT le vendredi 8 octobre au mondial de l’automobile font entendre les exigences des travailleurs. La véritable richesse de cette industrie réside dans le savoir-faire et l’expérience de tous les salariés sans qui les bagnoles d’aujourd’hui et toutes les solutions répondant réellement aux besoins de la population ne peuvent être fabriquées

Publié dans Analyse-et-débats

Commenter cet article