Les constructeurs automobiles trop pauvres pour peser sur le marché des fusions-acquisitions.
Article paru dans la publication en ligne Auto Actu.com 19 septembre 2018
Le cabinet de conseil en stratégie, Advancy, vient de réaliser une étude recensant l’ensemble des opérations de fusions/acquisitions dans le secteur automobile qui montre que les constructeurs y sont marginalisés par les entreprises de la Tech. En nombre d’opérations, Daimler arrive en tête, en montant Intel est largement en tête.
L’étude d’Advancy recense les opérations de fusions et acquisitions (prise de participation majoritaire ou minoritaire) dans le secteur automobile entre 2012 à 2017 (inclus) sur quatre domaines clés : véhicule électrique, véhicule connecté, véhicule autonome, mobilité. Au cours de ces 6 années, 279 opérations ont été réalisées, dont l’essentiel sur les deux dernières en 2016 (79 opérations) et 2017 (103 opérations).
On ne connait les montants en jeu que pour un peu moins de la moitié de ces deals (115 opérations) ce qui donne un ticket moyen de 674 millions de dollars pour un total de 77,8 milliards de dollars. L’année 2017 a été la plus "riche" avec un montant de 32,8 milliards de dollars (pour 38 opérations).
Ce recensement mesure ce que l’on savait, à savoir le poids croissant des entreprises de la Tech, ces acteurs non automobiles actifs principalement dans les biens de consommation électroniques, le hardware et le software, les technologies de l’information ou l’industrie digitale.
Ils ont ainsi représenté 34% des opérations réalisées en 2017, soit nettement plus que les constructeurs (27% des opérations), les équipementiers étant majoritaires avec 39% des opérations.
L’écart se creuse sur les montants investis avec pour l’ensemble des opérations chiffrées, 9,7 milliards de dollars pour les constructeurs, 30,3 milliards pour les équipementiers et 37,5 milliards pour les entreprises Tech.
Elles sont principalement actives sur deux domaines : véhicules connectés (12,1 milliards de dollars d’opérations) et véhicule autonome (16,2 milliards de dollars).
"Les entreprises de la Tech mettent des montants colossaux", souligne Rémi Cornubert, senior partner d’Advancy qui dirige la practice mondiale "Future mobilities".
Des montants que les constructeurs ne peuvent semble-t-il pas suivre. "Le ticket moyen c’est 1 milliard pour le véhicule autonome, 500 millions pour la mobilité", note Rémi Cornubert. L’opération la plus importante des 6 dernières années c’est l’acquisition de Mobileye par Intel. "Intel, comme SMT Microelectronics, travaillait déjà pour l’industrie automobile, la grande nouveauté c’est leur intégration en aval de la chaîne de valeur", souligne Rémi Cornubert.
"Le premier message est que les cartes sont rebattues sur les nouveaux sujets. Sur le véhicule connecté, les Tech réalisent 50% des opérations et la part des constructeurs n’est que de 13% alors que ce domaine est clé pour eux." Même constat sur le véhicule autonome.
Il y a aussi un domaine où les investissements sont inexistants. "Nous nous attendions à plus d’opérations dans le domaine de la cybersécurité. C’est un sujet majeur, une source d’angoisse pour les clients. C’est un nouveau sujet et nous pensons qu’il est sous représenté. On pourrait se dire que cela fait l’objet de développements internes, ce qui aurait dû conduire à des recrutements importants que nous n’avons pas vus", a dit Rémi Cornubert.
Daimler en tête du nombre d'opération, Intel en tête pour le montant des transactions
Daimler est le constructeur qui a réalisé le plus grand nombre d’opérations (22), devant Samsung (15) et Intel (11). Dans ce classement en nombre d’opérations figure également Ford (6e avec 9 opérations), Toyota (8e avec 9 opérations), BMW (13e avec 7 opérations), GM (14e avec 7 opérations), Volkswagen (16e avec 6 opérations) et Renault (18e avec 5 opérations).
En montant investis, le classement est tout autre et c’est Intel (15,9 milliards de dollars), Samsung (12 milliards de dollars), ZF (11,7 milliards) qui sont en tête. Daimler, premier constructeur ne pointe qu’au sixième rang (2,68 milliards), Ford est septième (2,1 milliards), GM est dixième (1,5 milliard), Volkswagen quatorzième (1,32 milliard) et BMW quinzième (1,26 milliard).
Il y a clairement pour les constructeurs un problème de moyen, estime Rémi Cornubert. Problème lié à l’importance des coûts règlementaires ajoute-t-il. "Les constructeurs ont des budgets importants de R&D mais les trois quarts sont imposés par les normes. La force de frappes des géants de la Tech vient de leurs niveaux de marge beaucoup plus élevés", explique Rémi Cornubert.
La partie est-elle perdue pour autant ? "Ce qui va rebattre les cartes est que nous allons avoir une nouvelle crise. J’en suis persuadé. La question est de savoir quand", analyse Rémi Cornubert qui ajoute que les entreprises sont aujourd’hui "très optimistes sur le calendrier de l’avènement de la voiture autonome".
Florence Lagarde