Des travailleurs de Nissan aux Etats-Unis en appellent au gouvernement français

Publié le par NPA Auto Critique Source auto actu.com

Article publié sur le site d'autoactu.com 
Une délégation de travailleurs de l'usine Nissan de Canton, au Mississippi, est actuellement en France pour tenter d'alerter l'Etat français sur les méthodes employées par Nissan pour les empêcher de créer un syndicat et ainsi obtenir de meilleures conditions de travail.

L'histoire que sont venus raconter Lee Ruffin et Linda Brown, tous deux employés de l'usine Nissan de Canton, dans le Mississippi aux Etats-Unis, contraste terriblement avec la situation du syndicalisme français. Tous les deux font partie des travailleurs de Canton qui se battent contre la direction de Nissan pour tenter de créer un syndicat (rallié à l'UAW) depuis 2003. Et dans cette usine, la création d'un syndicat est selon eux "le seul moyen de faire entendre la voix des travailleurs et d'obtenir de meilleures conditions de travail". "Notre lutte pour obtenir la création de ce syndicat est en réalité une lutte pour le respect des droits de l'homme", résume Lee Ruffin. Une déclaration qui raisonne avec l'histoire du Mississippi et la lutte des afro-américains pour obtenir les mêmes droits que les blancs car dans cette usine qui emploie 6 000 travailleurs, 87% sont des afro-américains.
Or, les conditions de travail qu'ils nous décrivent sont celles qui sont également décriées en Inde ou au Bangladesh. "Nous travaillons 6 jours sur 7 et certains d'entre nous travaillent 7 jours sur 7 pendant 10 à 12 heures. Les conditions de travail sont précaires et cela conduit à de nombreux accidents de travail ", raconte notamment Linda Brown. En outre, 50% des employés sont des intérimaires payés entre 10 et 13 dollars de l'heure sans aucun avantages sociaux.

"Et même s'ils parviennent à obtenir un contrat de travail "durable" (ceux des traditional workers", NDLR), ces temporary workers ne verront pas leur salaire s'aligner sur ceux des traditional workers (de l'ordre de près de 24 dollars de l'heure, plus des avantages sociaux)", ajoute-t-elle. 

Intimidation
Le Mississippi fait partie des 25 états américains ayant voté une "Right-to-work law" qui permet de limiter la syndicalisation. Concrètement cette loi empêche l'adhésion "automatique" des travailleurs à un syndicat. Dans ces états, pour constituer un syndicat au sein d'une usine, les employés doivent d'abord réunir un minimum de 30% (du total de l'effectif) de cartes d'attestation de travailleurs souhaitant adhérer puis ils doivent organiser un vote et obtenir 50% plus une voix "pour". En parallèle, les employeurs n'ont pas le droit d'empêcher cette élection mais, paradoxalement, ils peuvent "exposer leur point de vue sur les conséquences d'une syndicalisation de l'entreprise". Or, la façon d'exprimer leur point de vue consiste généralement à faire pression sur les employés. 
Et ce serait la méthode employée par Nissan. "La direction diffuse dans l'usine des vidéos expliquant les raisons pour lesquelles il ne faut pas créer de syndicat. Elle explique clairement que cela conduira à une fermeture de l'usine et à un transfert de la production dans son usine au Mexique", explique Lee Ruffin. Il s'organise également une chasse aux sorcières parmi les salariés pour tenter de trouver ceux qui sont favorables à la création du syndicat et les menacer de licenciement. 
Cette intimidation suffit à décourager les pro-syndicat qui ne peuvent pas perdre leur emploi alors qu'ils vivent dans l'état le plus pauvre des Etats-Unis, et même dans la ville la plus pauvre du Mississippi. 
L'UAW ne souhaite pas révéler le nombre de cartes d'attestation de travailleurs de l'usine de Canton favorables à la création d'un syndicat mais son représentant
Richard Bensinger assure qu'il est "suffisant" pour organiser le vote. Pour autant, "tant que Nissan ne s'engagera pas à cesser ses manoeuvres d'intimidation, nous ne pourrons pas l'organiser", car son issue sera probablement défavorable. 

Avec les Right-to-work laws, tout en restant légale, la syndicalisation devient ainsi pratiquement impossible. Et dans les états régis par ces lois, les salaires annuels sont inférieurs de plus de 5 000 dollars par rapport à la moyenne nationale et le taux de pauvreté est nettement supérieur à la moyenne (de 2,5 points à 12,5%). Votées pour attirer les investisseurs, ces derniers en profitent pour ne pas avoir à aligner les salaires sur ceux de leur secteur d'activité. Concernant Nissan, les salaires de Canton sont nettement inférieurs à ceux des employés des Big-three (pour les traditional workers, ils démarrent à 28 dollars de l'heure chez Fiat/Chrysler par exemple).

Appel à l'Etat Français 
L'UAW et les travailleurs de Canton ont réussi à sensibiliser le gouvernement américain qui a proposé d'intervenir en qualité de médiateur. Une tentative qui a néanmoins échoué puisque Nissan a refusé l'offre du gouvernement. En dernier recours, Lee Ruffin et Linda Brown, accompagnés de l'UAW et du CTW Investment Group*, sont venus en France pour tenter de sensibiliser l'Etat Français, en qualité d'actionnaire de Renault, lui-même actionnaire de Nissan. "Aux Etats-Unis, on parle de l'Alliance Renault-Nissan, Renault et l'Etat français ont donc des responsabilités sur ce qu'il se passe aux Etats-Unis en tant qu'actionnaires", explique Dieter Waizenegger, directeur général de CTW. Ils rencontreront prochainement des députés pour les sensibiliser à la situation de l'usine de Canton avec l'espoir que leur affaire remonte à l'Elysée et qu'un message musclé soit envoyé à Carlos Ghosn. Pour le moment, le dirigeant de Nissan est resté sourd aux cris de désespoir des salariés de Canton.
Emilie Binois 

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