La fin du diesel : une question sociale explosive

Publié le par NPA Auto Critique

Devant l'usine Bosch de Rodez

L’usine Bosch de Rodez en Aveyron qui fabrique exclusivement des pièces pour les motorisations diesel des voitures est aujourd’hui menacée. La presse parle d’un possible nouveau GM&S, mais la grandeur des entités en jeu y est bien supérieure. L’usine Bosch de Rodez emploie directement 1600 salariés induisant environ 10 000 emplois dans un bassin d’activité de 80 000 personnes. Et l’employeur Bosch, avec un chiffre d’affaires mondial de 50 milliards d’euros, est le troisième équipementier automobile mondial avec plus de 300 000 salariés répartis dans 80 sites installés dans 50 pays à travers le monde.

Une usine qui ne fabrique que pour le diesel
Les ouvriers de Bosch ne sont en rien responsables des choix stratégiques de leur patron, pas plus que des complicités avec le scandale Volkswagen dont plusieurs des responsables de la firme sont accusés en Allemagne. Bosch a choisi depuis son rachat de l’usine en 1962 à la Compagnie électrique du Rouergue, de spécialiser cette usine dans la production de composants pour les moteurs diesel : en juin 2017, 6 millions de buses d’injection, 20 millions de bougies de préchauffage et ,à 60 % de la production totale de l’usine, 2,8 millions des injecteurs. Le principal « client » de l’usine est Renault pour 80 %, BMW achetant les 20 % restant. A remarquer l’absence de PSA qui préfère, selon l’intersyndicale Bosch, acheter ce type de pièces dans les pays « low cost ». Mais cela n’empêche pas le ministre de l’économie Bruno Le Maire de déclarer à propos de Renault et PSA dans le dossier Bosch  : « Ils sont extraordinairement positifs et constructifs, ils ont parfaitement conscience qu'il faut accompagner cette filière et qu'ils sont aussi responsables de leurs sous-traitants ». Oh le faux cul !

Des lignes de production obsolètes
Une tendance à la baisse de l’activité de l’usine s’observe depuis plusieurs années. La production d’injecteurs y était de 25 % supérieure il y a seulement 3 ans et les effectifs dans les années 2000 étaient de 2 500 salariés. La diminution des effectifs s’est opérée avec une diminution forte de l’intérim et des départs en pré retraite.
Les nouvelles normes de pollution et la chute des ventes de voitures diesel en France et en Europe changent la situation. Alors que l’usine Bosch de Rodez ne produit que des injecteurs correspondant à la norme euro5. Cette norme disparaîtra en 2020 pour laisser place à une norme plus contraignante, et Bosch a déjà annoncé ne plus produire en Europe de l’Ouest d’injecteur Euro 5 à partir de 2020. Il y a donc urgence pour de nouveaux investissements, deux lignes de production fonctionnant actuellement devenant donc obsolètes à très court terme.
Bosch avait prévu de moderniser les deux lignes de production d'injecteurs, pour un investissement global de 18 millions d'euros afin de répondre aux exigences de la future norme Euro 6. C’est ce projet qui est remis en cause. D’ores et déjà, Bosch ne parle plus que d’une seule ligne de production à moderniser, et ne l’a même pas confirmé. Une seule ligne de production maintenue, c’est 450 emplois directement menacés et les deux lignes de production rendues obsolètes, c’est la fin programmée de l’usine. On comprend l’urgence !
Le montant minimum de l’investissement à réaliser pour mettre une ligne de production aux normes Euro 6 est évalué à 2 millions d’euros par l’intersyndicale. A comparer à l’investissement d’un milliard d’euros que Bosch a annoncé en mai 2017 pour la construction d'une usine dédiée à la fabrication de semi-conducteurs à Dresde (Allemagne).

La fin du diesel une question sociale
La fin du diesel est une question écologique mais aussi une question sociale qui doit mettre au premier plan la sauvegarde de tous les emplois et pointer les responsables de cette situation. Au premier chef il y a un certain Macron qui est allé raconter n’importe quoi aux ouvriers de Bosch en août 2016 le temps d’une pré-campagne électorale alors qu’il était encore ministre de l'économie de François Hollande : le diesel est « au cœur de la politique industrielle française », mais également « du projet industriel français de mobilité environnementale ». Il expliquait alors que le diesel représentait des « millions d'emplois », mais également des « millions d'acheteurs, parfois ceux qui ont le moins de pouvoir d'achat ». Il s'était alors opposé à Anne Hidalgo, maire de Paris, l'accusant de faire « la chasse aux diesels », « ses décisions ne valent pas pour la France. » Cynisme ou ignorance, ces déclarations électorales de Macron, ce président paraît-il omniscient, le rendent directement complice ou responsable de l’impréparation actuelle.
La question Bosch est emblématique de la situation de toute la filière automobile diesel. A la suite des dégâts effectifs causés par le diesel, du coût des dispositifs anti pollution les plus efficaces qui en limitent l’installation aux voitures les plus chères, et des fraudes avérées des constructeurs et équipementiers, ils veulent faire payer aux salariés les conséquences de leurs errements. En France, en 2017, il y a 45 000 salariés qui travaillent chez les constructeurs et les équipementiers comme Bosch sur le diesel. Un potentiel explosif d’une centaine de GM&S !

Ne pas faire confiance au marché capitaliste
Tenir le deux bouts de la chaîne : exiger le maintien de tous les emplois en ne cédant pas au chantage des directions d’entreprise, que ce soit Renault, PSA ou Bosch, et exiger un droit de regard des travailleurs sur les productions et les investissements pouvant remplacer des techniques polluantes. Dans le cas de Bosch à Rodez, la direction de l’usine a confié à un cabinet de consultants et de chasseurs de têtes « Roland Berger » le soin des trouver des solutions de diversification au diesel. Et très étonnant, rien n’en est sorti ! Le marché capitaliste est incapable de trouver, dans le secret de ses affaires, des solutions garantissant et l’emploi et l’environnement.
Sans mobilisation d’ampleur pour imposer d’autres solutions, gouvernement et patronat laisseront crever au fil de l’eau tous ces territoires industriels abandonnés. La peur peut être bonne conseillère pour le gouvernement et le patronat. Pour Bosch, cela peut les inciter à intervenir auprès de PSA et Renault pour qu’ils fournissent de l’activité à cette usine.
.C’est bien la crainte d’un mouvement social en défense de l’emploi, dans et autour de l’usine, qui peut les forcer à se bouger pour proposer des investissements qui garantissent l’emploi de tous. Les articles de presse  évoquant un possible nouveau GM&S à propose de Bosch sont l’expression de cette crainte. Elle est renforcée par la configuration des syndicats dans l’usine : SUD avec 39%, la CGT avec 32%, la CGC avec 14 %, et la CFDT avec 12% qui fonctionnent en intersyndicale active dans une usine combative.
Pour l’avenir de l’usine Bosch, les épreuves des mobilisations sociales sont devant nous.


 

Publié dans Bosch, Diesel

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