Mai 68 : quand Renault Billancourt refusa les accords de Grenelle

Publié le par NPA Auto Critique

Le secrétaire général de la CGT à l'Ile Seguin

Dans une série d'articles  consacré à Mai 68, l'hebdo du NPA a publié le témoignage   de Clara et Henri Benoits délégués du personnel CGT à Renault Billancourt en mai 68. Le deuxième  article sur le refus du protocole d'accord de Grenelle par les ouvriers  réunis dans l'Ile Seguiin

En mai 1968, à Renault Billancourt comme ailleurs, l’espoir massivement partagé était que la grève générale serve à quelque chose, que cela change vraiment. Les revendications étaient élaborées dans les ateliers et services. Où étaient elles discutées ? La direction de Renault était réfugiée aux Champs Elysées, abandonnant machines, ateliers et services aux grévistes.
Chacun était dans l’ignorance totale des discussions entre la Direction, le patronat, le gouvernement et les instances syndicales. C’est par la radio que l’on apprit la signature dans la nuit du 26 au 27 mai « des accords de Grenelle », en fait un protocole d’accord. Accord ? Signature ? C’est encore par la radio que l’on apprit que la CGT à Billancourt allait procéder à « une consultation des travailleurs ». Ce terme de consultation fut pris au sérieux, la CGT entendant manifestement se couvrir en l’organisant.
Le meeting dans l’ile Seguin tenu le 27 mai a réuni environ dix mille participants. Pour la CGT, outre le secrétaire général Georges Séguy nouvellement élu à ce poste en 1967, était présent Benoît Frachon figure historique de 1936 à l’après guerre,
Dans un profond silence, le rapport relata le protocole signé dans la nuit. Déception générale !
En termes de salaires et de temps de travail, chez Renault on était déjà au-dessus des accords dans la région parisienne, eux-mêmes supérieurs au niveau moyen de la province. où subsistaient encore des zones de salaire différentes. La révision annuelle des salaires figurait déjà dans l’accord Renault de 1955 et chez les militants, chacun savait d’expérience que les augmentations de salaire étaient systématiquement rattrapées par la hausse des prix. Sur la réduction du temps de travail, pas grand-chose, et rien sur la retraite.
Bref, chacun ressentit ce protocole comme du « pipeau », très loin des enjeux posés par l’ampleur nationale de la grève. La réaction spontanée fut un « non !. » retentissant dans l’île. La question d’une reprise du travail était massivement rejetée, la reconduite de la grève évidente. Jugement immédiat sans appel, suite aux propositions dérisoires pour Renault.
Cette bronca était tellement unanime qu’il serait ridicule d’en imputer la responsabilité à des courants d’extrême gauche noyés dans la masse des participants au meeting.
Quelques jours après ce meeting, le secrétaire du syndicat CGT nous convoqua et nous accusa d’avoir participé à cette « bronca » du 27 mai. Sans blague Nous étions certes présents et avions refusé le protocole d’accord de Grenelle, mais n’étions que des grains de sable dans ce rassemblement. Qui peut avoir l’outrecuidance de nous en imputer la responsabilité ?
De Gaulle reprit l’initiative politique le 30 mai, mais la grève et l’occupation durèrent à Billancourt jusqu’au 17 juin. Sans perspective, la reprise du travail fut votée, y compris par le vote des ingénieurs, cadres et agents de maîtrise, absents ou peu présents dans la grève Une forte minorité, dont nous-mêmes, vota contre la reprise du travail. Ce vote « contre » démontrait que pour les les plus combatifs la lutte reprendrait. Ce n’était pas une défaite.
Une nouvelle page allait s’ouvrir dans l’usine. Les OS montrèrent dans l’Ile Seguin lors de leurs grèves pendant les années 70 qu’ils avaient tiré les leçons de cette formidable expérience. Dans les ateliers et services s’instaurèrent des rapports nouveaux avec la hiérarchie, une solidarité née dans la lutte. « Ce n’est qu’un début »….

Clara et Henri Benoits délégués du personnel CGT à Renault Billancourt en mai1968.

Publié dans Renault

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