La réponse de Philippe Poutou aux salariés du collectif Maintien des Emplois Renault-Lardy

Publié le par NPA Auto Critique

Ma réponse sera celle d’un candidat à la présidentielle, mais surtout d’un salarié (licencié) de l’automobile. Si je cherche dans cette campagne électorale à faire entendre haut et fort la voix et les intérêts des travailleurs, mon point de vue est celui d’un ouvrier licencié avec mes collègues de l’usine Ford Blanquefort, après des années de lutte qui ont repoussé longtemps la fermeture du site.
D’expérience, je ne vous promettrai pas de miracle. Au contraire, pour avoir déjà vécu pareille situation, je sais qu’il vaut mieux se méfier des promesses électorales et de ceux qui prétendent nous défendre… une fois qu’on aura voté pour eux.
Je vous promets seulement d’exprimer autant que je le peux la colère que vous ressentez face aux calculs des patrons qui font passer les profits avant nos vies. Une colère que partagent de nombreux travailleurs dans ce pays et ailleurs, qui subissent (mais résistent !) les ravages de ce système capitaliste qui enrichit une infime minorité au détriment des conditions de vie et de travail de l’immense majorité.
Alors
plutôt que des promesses, c’est un encouragement à la lutte que je veux vous adresser. Car notre force à nous, travailleurs, c’est la lutte collective ! Dans ce monde capitaliste, une décision prise dans un Conseil d’Administration peut mettre à la porte des milliers de salariés. Ils ne comprennent que le rapport de force, alors seules nos mobilisations changeront la donne, que ce soit pour nous défendre ici et maintenant contre les sales coups des patrons ou pour construire une société meilleure, débarrassée de l’exploitation, de la misère et de la guerre.
Ce que je peux vous dire, c’est que les plans des patrons ne sont pas des fatalités
comme ils le prétendent et le répètent les politiciens à leur service, pour nous imposer (à nous !) des sacrifices, au nom de la compétitivité ou de la crise.
Dans le secteur automobile, c’est a
u nom de la transition énergétique que les constructeurs détruisent des emplois dans les fonderies, chez les prestataires, dans les usines, dans l’ingénierie,… Partout, ils prennent prétexte de cette évolution pour restructurer les entreprises. C’est pour moderniser l’automobile, par exemple, que Renault supprime des emplois dans la R&D à Lardy ? Non : c’est pour être plus compétitifs à l’avenir face à la concurrence, rogner sur la masse salariale pour rapporter toujours plus aux actionnaires.
Vous estimez à juste titre que les salariés de Renault seraient capables de trouver des solutions face à la crise écologique, si la direction n’imposait pas en permanence des réductions de coûts et d’effectifs. Vous avez bien raison.
Par leur travail, ce sont les salariés qui font tourner la société. Ce sont eux qui pourraient reconvertir l’économie afin de préserver l’environnement dans lequel nous vivons. Les moyens existent pour réorganiser et adapter les transports, afin de satisfaire les besoins de la population sans polluer la planète. De l’argent il y en a pour cela… sur les comptes des actionnaires et des milliardaires. C’est là qu’il faut aller le chercher, pour défendre les emplois, les salaires, les conditions de vie et de travail de la majorité de la population. Cela nécessite de reprendre le contrôle des moyens de production des mains de ces capitalistes irresponsables qui nous mènent droit dans le mur.
Il n’y a que par la lutte que les salariés de Lardy s’en sortiront, qu’ils soient Renault ou sous-traitants.
Comme pour tous les autres salariés dont les emplois sont menacés, l’avenir dépendra des mobilisations collectives. Car c’est la stratégie des patrons de nous mettre en concurrence pour tenter de nous faire accepter des reculs. Renault cherche à opposer ses salariés en France à leurs collègues en Espagne ou en Roumanie, mais fait la même chose à l’intérieur de l’Hexagone en promettant de l’activité à ses sites les plus « compétitifs » : Douai contre Maubeuge pour la production, le Technocentre de Guyancourt contre Lardy pour l’ingénierie,… Diviser pour mieux régner, c’est leur méthode.
Face à cette stratégie des patrons, il faut une riposte coordonnée des salariés. Dans tout le secteur automobile (et même au-delà), nous avons les mêmes intérêts : faire passer nos vies avant leurs profits.
L
es subventions publiques et les discours souverainistes sur le Made in France n’empêchent jamais les patrons de supprimer des postes pour réduire les coûts. Nos alliés n’ont peut-être pas le même drapeau, ils portent le même maillot ! Ce sont les salariés de Renault et des sous-traitants en Roumanie, en Espagne, en Turquie, en Russie,… qui subissent exactement la même offensive patronale.
Les actionnaires veulent partout nous mettre sur la paille ou à la porte. On l’a vu avec le plan d’économies Renault en 2020. Et je l’ai également vécu en luttant avec mes collègues contre Ford, un groupe multinational américain qui pratique les mêmes méthodes. Face aux plans des dirigeants qui veulent nous opposer les uns aux autres, notre avenir est dans les luttes, par-delà les frontières.
Certes, la lutte ce n’est jamais simple, et de nombreux problèmes se posent à chaque étape des mobilisations. Mais je sais d’expérience que c’est la seule solution qui vaille, et que des salariés en lutte ont les moyens de surmonter ensemble les obstacles. Ce qui nous manque le plus souvent, c’est la confiance dans notre force collective.

J’espère que ma réponse aura pu vous servir et que ma campagne permettra de populariser les revendications du monde du travail. Bon courage pour la lutte et à bientôt dans la rue pour faire entendre notre voix et défendre nos intérêts, avant et après l’élection présidentielle !
À défaut d’être en mesure de venir vous voir dans ces derniers jours de campagne électorale, je reste disponible pour continuer à échanger avec vous, entre camarades !

Philippe Poutou


 

Publié dans Renault, Lardy

Commenter cet article