Cinquante après le 17 octobre 1961, le témoignage de militants de Renault, Clara et Henri Benoits
Le 17 octobre 1961, plus de 30 000 Algériens, à l'appel de la fédération de France du FLN manifestèrent pacifiquement contre le couvre-feu que le sinistre préfet de police Papon avait imposé le 5 octobre (Voir Tout est à Nous). La répression fut féroce : plus de deux cent morts, chiffre avéré qui ne fut jamais reconnu par les gouvernements français qui se sont succédés en France depuis 50 ans.
Pendant la guerre d'Algérie, notamment chez Renault à Billancourt, des militants ont accompli leur devoir internationaliste en soutenant politiquement et matériellement le FLN. A la veille du 17 octobre,ils furent appelés par la Fédération de France du FLN à assister et à se porter témoins de la manifestation.
Clara et Henri Benoits, ces témoins pour le mouvement ouvrier , expliquent :
Comment des militants de Renault ont-ils été pressentis comme témoins ?
La décision de manifester pacifiquement fut unanime et la Fédération n’avait quand même pas imaginé que ça puisse atteindre ce degré de cruauté et cette ampleur. Omar Boudaoud, ex-dirigeant du FLN en France l’a confirmé lors du colloque d’octobre 1991.
Toutefois, Mohamed Sadok, connaissant l'intensité des affrontements antérieurs et les exigences de Omar Boudaoud, le « patron » de la fédération de France du FLN désirait que ce 17 octobre fasse l'objet d'une surveillance de la part d'observateurs français. D'après Mattéi, il y en aurait eu une dizaine. Pour ma part je ne connais que les cinq de Renault.
Je crois me rappeler que cette sollicitation provient d’un camarade de l'usine directement rattaché aux coordinateurs de la Fédération de France du FLN. En effet, parmi le personnel de Renault, il existait des militants favorables à l'indépendance de l'Algérie, mais également d'autres engagés dans l'aide directe aux Algériens.
C'est ainsi que nous fûmes sollicités d'assister et de témoigner de ce que nous verrions : Cadel, Lepage, Tribout, Clara et moi fûmes parmi ces témoins.
Nous avions pour consigne de ne rien faire en quelque circonstance que ce soit, ne pas intervenir, et quoi qu’il arrive ne rien faire mais de témoigner.
Comment avez vous rendu compte de ce que vous avez vu ?
Le rapport sur les événements de ce que nous avions vu a été remis dès le lendemain par G. Lepage à Mohamed Sadok avec qui il était en liaison. Je n'en ai pas gardé copie, tout simplement parce qu'à l'époque il n'y avait pas de photocopieuse.
La substance de ce que nous avions vu a été décrite dans le témoignage que nous avons fait pour Einaudi lors du procès que Papon avait intenté contre lui... plus de trente ans après. Pour ce qui nous concerne, ce témoignage portait sur ce qui s'est passé entre le métro Opéra et le Rex.
Je suis à peu près certain que ni la CGT ni la presse en général ne pouvaient imaginer ce qui allait se passer, d'où la pauvreté des informations le lendemain même.
Trente ans plus tard, à la demande de la direction de la fédération des métaux CGT au bureau du syndicat ouvrier de l'usine sur la recherche de témoins, seul un algérien de ce bureau signala que Clara et moi étions présents ce jour là. C'est ainsi que notre témoignage fut retranscrit en 1991 dans le journal de la fédé des métaux à destination de l'immigration.